(LE GOUVERNEUR, SON FILS, SA FILLE, BLECTRUE, L'INSULAIRE, MÉGISTE, suite du Gouverneur, LES HUIT EUROPÉENS)
L'INSULAIRE
Les voilà, Seigneur.
LE GOUVERNEUR (, de loin, avec une lunette d'approche.)
Vous me montrez là quelque chose de bien extraordinaire : il n'y a assurément rien de pareil dans le monde. Quelle petitesse ! et cependant ces petits animaux ont parfaitement la figure d'homme, et même à peu près nos gestes et notre façon de regarder. En vérité, puisque vous me les donnez, je les accepte avec plaisir. Approchons.
PARMENÈS (, se saisissant de la Comtesse.)
Mon père, je me charge de cette petite femelle-ci, car je la crois telle.
FLORIS (, prenant le courtisan.)
En voilà un que je serais bien aise d'avoir aussi : je crois que c'est un petit mâle.
LE COURTISAN
Madame, n'abusez point de l'état où je suis.
FLORIS
Ah ! mon père, je crois qu'il me répond ; mais il n'a qu'un petit filet de voix.
L'INSULAIRE
Vraiment, ils parlent ; ils ont des pensées, et je leur ai fait apprendre notre langue.
FLORIS
Que cela va me divertir ! Ah ! mon petit mignon, que vous êtes aimable !
PARMENÈS
Et ma petite femelle, me dira-t-elle quelque chose ?
LA COMTESSE
Vous me paraissez généreux, Seigneur ; secourez-moi, indiquez-moi, si vous le pouvez, de quoi reprendre ma figure naturelle.
PARMENÈS
Ma sœur, ma femelle vaut bien votre mâle.
FLORIS
Oh ! j'aime mieux mon mâle que tout le reste ; mais ne mordent-ils pas, au moins ?
BLAISE
(, riant.)
Ah, ah, ah, ah !…
FLORIS
En voilà un qui rit de ce que je dis.
BLAISE
Morgué ! je ne ris pourtant que du bout des dents.
LE GOUVERNEUR
Et les autres ?
LE PHILOSOPHE
Les autres sont indignés du peu d'égard qu'on a ici pour des créatures raisonnables.
FONTIGNAC
(, avec feu.)
Sire, réprésentez-bous lé mieux fait dé botré royaume. Boilà ce que jé suis, sans mé soucier qui mé gâte la taille.
BLAISE
Vartigué ! Monsieu le Gouverneux, ou bian Monsieu le Roi, je ne savons lequel c'est ; et vous, Mademoiselle sa fille, et Monsieur son garçon, il n'y a qu'un mot qui sarve. Venez me voir avaler ma pitance, vous varrez s'il y a d'homme qui débride mieux ; je ne sis pas pus haut que chopaine, mais morgué ! dans cette chopaine vous y varrez tenir pinte.
LE GOUVERNEUR
Il me semble qu'ils se fâchent : allons, qu'on les remette en cage, et qu'on leur donne à manger ; cela les adoucira peut-être.
LE COURTISAN
(, à Floris, en lui baisant la main.)
Aimable dame, ne m'abandonnez pas dans mon malheur.
FLORIS
Eh ! voyez donc, mon père, comme il me baise la main ! Non, mon petit rat ; vous serez à moi, et j'aurai soin de vous. En vérité, il me fait pitié !
LE PHILOSOPHE
(, soupirant.)
Ah !
BLAISE
Jarnicoton, queu train !
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