Sonnet I

Le vers ne nous vient pas à toute heure et partout,
Et vous ne savez pas combien l’épreuve est rude
De mener sans malheur un sonnet jusqu’au bout
Sur un feuillet d’album impitoyable et prude.

Le plus chétif poète aime à chanter debout,
Seul, et sans contenir sa jeune inquiétude
Ni dépouiller jamais la divine habitude
D’apostropher son monde et de tutoyer tout.

Laissez donc librement voler sa fantaisie,
Car, s’il veut ici-bas goûter la poésie,
Il doit, l’infortuné, la dérober aux cieux ;

Mais vous, que cherchez-vous qui ne soit en vous-même ?
Quand on vous offrirait le plus exquis poème,
On vous rendrait les vers qu’on a lus dans vos yeux.


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