PROLOGUE



La scène se passe à Paris.
Après les glorieuses fatigues et les exploits victorieux de notre auguste monarque, il est bien juste que tous ceux qui se mêlent d'écrire travaillent ou à ses louanges, ou à son divertissement. C'est ce qu'ici l'on a voulu faire ; et ce prologue est un essai des louanges de ce grand prince, qui donne entrée à la comédie du Malade imaginaire dont le projet a été fait pour le délasser de ses nobles travaux.
La décoration représente un lieu champêtre, et néanmoins fort agréable.
Églogue en musique et en danse

Flore
Quittez, quittez vos troupeaux,
Venez, bergers, venez, bergères,
Accourez, accourez sous ces tendres ormeaux ;
Je viens vous annoncer des nouvelles bien chères
Et réjouir tous ces hameaux.
Quittez, quittez vos troupeaux,
Venez, bergers, venez, bergères,
Accourez, accourez sous ces tendres ormeaux.

Climène et Daphné
Berger, laissons là tes feux
Voilà Flore qui nous appelle.

Tircis et Dorilas
Mais au moins, dis moi, cruelle,

Tircis
Si d'un peu d'amitié tu payeras mes voeux.

Dorilas
Si tu seras sensible à mon ardeur fidèle.

Climène et Daphné
Voilà Flore qui nous appelle.

Tircis et Dorilas
Ce n'est qu'un mot, un mot, un seul mot que je veux.

Tircis
Languirai-je toujours dans ma peine mortelle ?

Dorilas
Puis-je espérer qu'un jour tu me rendras heureux ?

Climène et Daphné
Voilà Flore qui nous appelle.
(Entrée de ballet)

(Toute la troupe des bergers et des bergères va se placer autour de Flore.)


Climène
Quelle nouvelle parmi nous,
Déesse, doit jeter tant de réjouissance ?

Daphné
Nous brûlons d'apprendre de vous
Cette nouvelle d'importance.

Dorilas
D'ardeur nous en soupirons tous.

Tous
Nous en mourons d'impatience.

Flore
La voici ; silence, silence !
Vos voeux sont exaucés, LOUIS est de retour ;
Il ramène en ces lieux les plaisirs et l'amour,
Et vous voyez finir vos mortelles alarmes.
Par ses vastes exploits son bras voit tout soumis ;
Il quitte les armes
Faute d'ennemis.

Tous
Ah ! quelle douce nouvelle !
Qu'elle est grande ! qu'elle est belle !
Que de plaisirs ! que de ris ! que de jeux !
Que de succès heureux !
Et que le ciel a bien rempli nos voeux !
Ah ! quelle douce nouvelle !
Qu'elle est grande ! qu'elle est belle !
(Autre entrée de ballet)

(Tous les bergers et bergères expriment par des danses les transports de leur joie.)


Flore
De vos flûtes bocagères
Réveillez les plus beaux sons ;
LOUIS offre à vos chansons
La plus belle des matières.
Après cent combats,
Où cueille son bras
Une ample victoire,
Formez entre vous
Cent combats plus doux
Pour chanter sa gloire.

Tous
Formons entre nous
Cent combats plus doux
Pour chanter sa gloire.

Flore
Mon jeune amant, dans ce bois,
Des présents de mon empire
Prépare un prix à la voix
Qui saura le mieux nous dire
Les vertus et les exploits
Du plus auguste des rois.

Climène
Si Tircis a l'avantage,

Daphné
Si Dorilas est vainqueur,

Climène
A le chérir je m'engage.

Daphné
Je me donne à son ardeur.

Tircis
O trop chère espérance !

Dorilas
O mot plein de douceur !

Tircis et Dorilas
Plus beau sujet, plus belle récompense
Peuvent-ils animer un coeur ?
(Les violons jouent un air pour animer les deux bergers au combat, tandis que Flore, comme juge, va se placer au pied d'un arbre qui est au milieu du théâtre, avec deux Zéphyrs, et que le reste, comme spectateurs, va occuper les deux côtés de la scène.)


Tircis
Quand la neige fondue enfle un torrent fameux,
Contre l'effort soudain de ses flots écumeux,
Il n'est rien d'assez solide
Digues, châteaux, villes et bois,
Hommes et troupeaux à la fois,
Tout cède au courant qui le guide.
Tel, et plus fier et plus rapide,
Marche LOUIS dans ses exploits.
(Ballet)

(Les bergers et bergères du côté de Tircis dansent autour de lui, sur une ritournelle, pour exprimer leurs applaudissements.)


Dorilas
Le foudre menaçant qui perce avec fureur
L'affreuse obscurité de la nue enflammée
Fait, d'épouvante et d'horreur,
Trembler le plus ferme coeur ;
Mais, à la tête d'une armée,
LOUIS jette plus de terreur.
(Entrée de ballet)

(Les bergers et bergères du côté de Dorilas font de même que les autres.)


Tircis
Des fabuleux exploits que la Grèce a chantés
Par un brillant amas de belles vérités
Nous voyons la gloire effacée ;
Et tous ces fameux demi-dieux,
Que vante l'histoire passée,
Ne sont point à notre pensée
Ce que LOUIS est à nos yeux.
(Entrée de ballet)

(Les bergers et bergères de son côté font encore la même chose.)


Dorilas
LOUIS fait à nos temps, par ses faits inouïs,
Croire tous les beaux faits que nous chante l'histoire
Des siècles évanouis ;
Mais nos neveux, dans leur gloire,
N'auront rien qui fasse croire
Tous les beaux faits de LOUIS.
(Entrée de ballet)

(Les bergères de son côté font encore de même, après quoi les deux parties se mêlent.)


Pan (suivi de six Faunes.)
Laissez, laissez, bergers, ce dessein téméraire.
Eh ! que voulez vous faire ?
Chanter sur vos chalumeaux
Ce qu'Apollon sur sa lyre,
Avec ses chants les plus beaux,
N'entreprendrait pas de dire ?
C'est donner trop d'essor au feu qui vous inspire ;
C'est monter vers les cieux sur des ailes de cire
Pour tomber dans le fond des eaux.
Pour chanter de LOUIS l'intrépide courage,
Il n'est point d'assez docte voix,
Point de mots assez grands pour en tracer l'image ;
Le silence est le langage
Qui doit louer ses exploits.
Consacrez d'autres soins à sa pleine victoire ;
Vos louanges n'ont rien qui flatte ses désirs
Laissez, laissez là sa gloire,
Ne songez qu'à ses plaisirs.

Tous
Laissons, laissons là sa gloire,
Ne songeons qu'à ses plaisirs.

Flore (à Tircis et à Dorilas.)
Bien que, pour étaler ses vertus immortelles,
La force manque à vos esprits,
Ne laissez pas tous deux de recevoir le prix,
Dans les choses grandes et belles,
Il suffit d'avoir entrepris.
(Entrée de ballet)

(Les deux Zéphyrs dansent avec deux couronnes de fleurs à la main, qu'ils viennent donner ensuite aux deux bergers.)


Climène et Daphné (en leur donnant la main.)
Dans les choses grandes et belles,
Il suffit d'avoir entrepris.

Tircis et Dorilas
Ah ! que d'un doux succès notre audace est suivie !

Flore et Pan
Ce qu'on fait pour LOUIS, on ne le perd jamais.

Climène, Daphné, Tircis et Dorilas
Au soin de ses plaisirs donnons-nous désormais.

Flore et Pan
Heureux, heureux qui peut lui consacrer sa vie !

Tous
Joignons tous dans ces bois
Nos flûtes et nos voix
Ce jour nous y convie
Et faisons aux échos redire mille fois
LOUIS est le plus grand des rois ;
Heureux, heureux qui peut lui consacrer sa vie !
(Dernière et grande entrée de ballet)

(Faunes, bergers et bergères, tous se mêlent, et il se fait entre eux des jeux de danse ; après quoi ils se vont préparer pour la comédie.)

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