Philippe
Va, ris des vœux d'un père interdit et confus.
Phénice, il est donc vrai que mon fils ne vit plus.
Phénice
Oui, Seigneur, et du Sort les plus dures menaces
N'ont fait suivre jamais de pareilles disgrâces.
J'étois dans le jardin quand une prompte horreur
Par un objet affreux s'empare de mon cœur.
Du Prince tout sanglant le spectacle funeste
Me fait craindre un forfait que mon âme déteste.
Je m'écrie, et tremblant à le voir aux abois,
À peine ai-je parlé qu'il reconnoît ma voix.
Il soupire, et faisant effort sur sa foiblesse,
"J'exécute, a-t-il dit, l'ordre de ma Princesse,
Et la mets en pouvoir de donner une foi
Qui n'auroit pu sans crime être à d'autres qu'à moi.
C'est le moins que je dusse au beau feu qui m'anime
Que rendre par ma mort son hymen légitime.
Je l'aimois chèrement ; mais malgré tant d'amour,
Qui n'en est plus aimé n'est plus digne du jour.
Du moins en la quittant j'ai la douceur de croire
Que si l'Envie encore ose attaquer ma gloire,
Elle repoussera ces bruits injurieux
Qui n'ont fait voir en moi qu'un Prince ambitieux.
Averti du poison qu'un père me prépare,
J'évitois par la fuite un ordre si barbare,
Et si pour les grandeurs mon cœur eût soupiré,
J'avois chez les Romains un asile assuré ;
Mais j'aurois de mon feu cru trahir la tendresse
Et j'eusse refusé ma vie à ma Princesse.
Comme pour elle seule on m'a vu la chérir,
Quand elle veut ma mort il m'est doux de mourir,
Assure-t-en, Phénice, et que jamais une âme…"
Son cœur pousse à ces mots un soupir tout de flamme ;
Ses regards sur les miens s'arrêtent tristement,
Il nomme la Princesse, et meurt en la nommant.
Philippe
Et bien es-tu content, malheureux Politique ?
Le Ciel selon tes vœux pour ta grandeur s'explique,
Et si Rome aspiroit à te faire la loi,
Aux dépens de ton sang enfin te voilà Roi.
Satisfois tout l'orgueil de ce fier caractère,
Tu ne le peux remplir qu'en cessant d'être père.
Un fils te reste encor ; ose, achève, et ne crains
Ni la foudre des Dieux, ni celle des Romains.
C'est lui dont les soupçons pressant ta défiance
Ont fait servir ta crainte à sa lâche vengeance.
Le sang contre le sang à la fin t'a séduit,
Et cette mort funeste en est l'indigne fruit.
Fuyez, fuyez, Madame, un père abominable.
On partage un forfait à souffrir le coupable
Rentrez dans votre Thrace où les Dieux ennemis
Pour régner avec vous ont refusé mon fils,
Ce fils que de ma rage ils ont fait la victime,
Ce fils…
Érixène
C'est trop, Seigneur, vous charger de mon crime.
L'accablement stupide où mes sens sont forcés
De la main qui le perd vous éclaircit assez.
Je l'aimois, et Didas me donnant lieu de croire
Qu'un choix et bas et lâche avoit souillé sa gloire,
Jalouse autant que fière, aux dépens de mon feu,
Je l'ai voulu punir d'un trop honteux aveu.
Sa mort en est l'effet, et quand j'en sens l'atteinte,
N'attendez point qu'ici je m'arrête à la plainte.
Je sais ce qu'on doit faire en de pareils malheurs.
Pour le sang d'un Héros c'est trop peu que des pleurs.
Sa gloire tant de fois indignement blessée
Demande à ma vengeance et Didas et Persée.
La Thrace ne m'est rien ; qu'il périssent tous deux,
Soit que j'y rentre ou non, j'ai tout ce que je veux.
Si votre âme à leur perte a peine à se résoudre,
Les Dieux à ce défaut me prêteront leur foudre.
J'en vais presser l'éclat, et vous laisse ordonner
Du Sceptre qu'en naissant ils m'avoient su donner.
(Elle sort.)
Philippe
Ah, pour une vengeance et si juste et si chère,
C'est peu du sang du fils, versez celui du père,
Il est prêt, et déjà le remords…
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