Érixène
Oui, je le sais, Phénice, en de pareils outrages
Le moindre emportement sied mal aux grands courages,
Et j'ai lieu de rougir d'avoir peine à calmer
L'impatient courroux qui cherche à m'animer ?
Mais plus je vois son crime, et moins de ma foiblesse
Malgré tout mon orgueil je puis être maîtresse.
Dieux ! Peut-il être vrai que l'infidélité
De tant de vœux offerts souille la pureté ?
Incapable jamais de trahir ce que j'aime
Je dédaigne pour lui l'éclat du Diadème,
Et sur un lâche espoir dont il goûte l'appas,
Il m'ose préférer la fille de Didas ?
Tu l'avois bien jugé ; quoi qu'il en ait pu dire,
Après ce trône seul le parjure soupire,
Et croit en voir pour lui les droits moins incertains.
Gendre d'un Favori qu'il acquiert aux Romains.
Qu'il règne, que par eux sa puissance affermie
D'un si honteux hymen répare l'infamie,
Quelque éclat qu'elle assure à ses vœux insensés,
Par sa gloire flétrie il s'en punit assez.
Phénice
Son infidélité ne vous peut trop surprendre,
Mais d'abord sans aigreur vous avez pu l'apprendre,
Votre esprit semble calme, et plus de fermeté…
Érixène
Te le dirai-je, hélas ! D'abord j'en ai douté.
D'abord pour cet ingrat ma flamme intéressée
A vu dans Onomaste un Agent de Persée
Mais quand Antigonus par mon ordre amené
M'a confirmé l'avis qu'on m'en avoit donné,
Que lui-même excusant sa lâche obéissance,
De cet hymen pour lui m'a montré l'importance,
Tout ce qu'a de pressant la plus jalouse ardeur
Aux plus âpres transports a livré tout mon cœur.
Mille serments trahis par l'espoir qui l'anime
Pour aigrir ma colère ont redoublé son crime,
Et leur image offerte à mon ressentiment
Des plus noires couleurs m'a peint son changement.
S'il en eût craint l'affront, c'est par son seul silence
Qu'il auroit fait juger de son obéissance,
Et sa flamme aussitôt venant s'en plaindre à moi,
Eût démenti la honte où l'eût forcé le Roi ;
Mais pour gagner Didas, sa lâche politique
Veut que sa trahison aux yeux de tous s'explique,
Et qu'un indigne aveu lui fasse mériter
L'appui dont pour le trône il se laisse flatter.
Tandis qu'à soupirer ma fierté se ravale,
Il est, il est, Phénice, auprès de ma Rivale,
Et rit du vain courroux qu'il voudra présumer
Que son crime en mon cœur ait eu lieu d'allumer.
Phénice
Montrer si peu de force à braver cet outrage,
C'est lui donner, Madame, un peu trop d'avantage,
Et ces ressentiments…
Érixène
Daignes-en mieux juger.
Avec toi ma douleur aime à se soulager,
Mais ailleurs, les transports qu'irrite son offense ;
N'armeront contre lui que mon indifférence,
Et du moins mon orgueil n'en pouvant triompher,
Sous l'éclat du mépris saura les étouffer.
Phénice
Vous promettez beaucoup, mais comme, quoi qu'on fasse,
Il n'est rien qu'un remords dans un grand cœur n'efface
Si de Démétrius…
Érixène
Ah, pour fléchir le mien
Ne crois pas que jamais le remords puisse rien.
Plus l'amant nous fut cher, plus son ingratitude
Rend le coup qui nous blesse et surprenant et rude,
Et sa peine attirant nos plus ardents souhaits,
Si l'amour n'en meurt point, il n'en guérit jamais.
Je te dirai bien plus ; quand par une foiblesse
Dont le sang qui m'anime exempte une Princesse,
Tout mon cœur contre moi lâchement révolté
En faveur d'un ingrat trahiroit ma fierté,
Quand en le punissant du mépris de ma flamme
Je me verrois forcée à l'adorer dans l'âme,
À quelque dur malheur que me livrât le sien,
Je mourrois mille fois plutôt qu'il en sût rien,
Et mes derniers soupirs par ma fausse victoire
D'un triomphe effectif lui voleroient la gloire.
Qu'il se repente ou non, il m'a manqué de foi,
Et je me souviendrai de ce que je me dois.
Pour plaire à mon courroux, en remplir l'arrogance,
Il faut que mon amour tremble sous ma vengeance,
Qu'aux dépens d'un repos qui lui sembla si doux…
Phénice
Le Roi peut vous entendre, il s'avance vers nous.
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