Persée
En vain jusques ici résolu de me taire,
Je me suis déguisé les attentats d'un frère.
En vain, quoi que ma mort fût l'objet de ses voeux,
Du sang qui nous unit j'ai respecté les noeuds,
Sa haine chaque jour en devient plus ardente,
Plus je la dissimule, et plus elle s'augmente,
Et ne me plaindre pas de tout ce que je vois
C'est redoubler l'aigreur qui l'arme contre moi.
Démétrius : jaloux du trône de mon père
Ne peut voir sans fureur que l'âge m'y préfère,
Et le titre d'Aîné qui m'acquiert ses États,
Est un crime trop grand pour ne m'en punir pas.
Dès hier, dans ce Spectacle où l'on voit chaque année
Du parti du Vainqueur l'adresse couronnée,
Si le mien n'eût cédé, son transport violent
D'un combat de plaisir en eût fait un sanglant.
Dans le festin qu'ensuite en triomphe il ordonne,
M'y croyant attirer, il veut qu'on m'empoisonne,
Et sûr par mes refus qu'on m'a de tout instruit,
Enfin à force ouverte il vient chez moi de nuit.
Didas
Seigneur, je connois trop avec quelle contrainte
Vous laissez contre un frère échapper votre plainte,
Et lorsqu'en mon secours vous cherchez quelque appui,
Je ne refuse point de parler contre lui.
Mon zèle seroit faux s'il craignoit de paroître
Pour celui que les Dieux me destinent pour Maître,
Et toujours prêt pour vous à signaler ma foi,
Puisque vous l'ordonnez, j'irai trouver le Roi ;
Mais dans les mouvements et de haine et de rage
Où l'ardeur de régner pousse un jeune courage,
Quoi que Démétrius : vous force à redouter,
Examinez la suite avant que d'éclater.
Il n'est plus de milieu s'il faut qu'on se déclare ;
Chacun n'écoutera qu'une fureur barbare,
Et le sang qui vous joint ne servant qu'à l'aigrir,
Si vous ne le perdez il vous faudra périr.
De ces inimitiés la rage trop avide
Vole sans s'étonner au plus noir parricide,
Et pour en assouvir la brûlante fureur,
Les plus sanglants effets n'ont point assez d'horreur.
Persée
Je le sais cher Didas, et voudrois encor feindre
Si ses emportements ne m'offroient tout à craindre.
Tant que sa jalousie a respecté mes jours,
J'ai traité de mépris ses insolents discours.
J'ai vu sans m'émouvoir qu'il ait avec audace
Publié que par lui le Sénat nous fit grâce,
Et qu'à la Macédoine à son choix malgré moi
Rome peut-être un jour saura donner un Roi.
Mais enfin aujourd'hui qu'une fureur ouverte
Le fait obstinément s'attacher à ma perte,
Pour en rompre le cours, c'est le moins que je puis
Que d'avertir le Roi du péril où je suis ;
Et de peur que l'ennui dont mon âme est atteinte
Ne me force à mêler trop d'aigreur à ma plainte,
Respectant des devoirs où je le vois manquer,
J'emprunte votre bouche afin de l'expliquer.
Votre propre intérêt à parler vous convie ;
Le rang que vous tenez hasarde votre vie,
Et le Prince ne peut achever ses desseins
Qu'il ne punisse en vous l'Ennemi des Romains.
Vos généreux conseils à sortir d'esclavage
Pour ces chers Favoris lui donnent de l'ombrage,
Et sans doute il vous hait d'oser trop soutenir
Un trône que sans eux il ne peut obtenir.
Didas
Contre leur fier orgueil tant qu'on me voudra croire,
De ce trône, Seigneur, je soutiendrai la gloire,
Et ne les verrai point s'établir à leur choix
Arbitres souverains des différents des Rois.
Il est temps après tout qu'une éclatante guerre
Nous fasse enfin braver ces Tyrans de la terre,
Et que nous acceptions d'un esprit moins soumis
L'avantage honteux qui nous rend leurs amis.
Persée
Ce glorieux projet charme tout mon courage,
Mais le Prince pour nous leur sert toujours d'otage,
Et leur intelligence est trop à redouter
Pour nous croire en pouvoir de rien exécuter.
Didas
Si j'en sais bien juger, Seigneur, le Roi n'aspire
Qu'à secouer le joug d'un si fâcheux empire,
Et se lasse de voir les droits abandonnés
Qu'usurpe le Sénat sur les fronts couronnés.
Ces ordres absolus dont la fierté le chasse.
De ce qu'il a conquis aux Côtes de la Thrace,
Semblent l'aigrir assez pour ne balancer pas
À repousser un jour de pareils attentats.
C'est à quoi je le porte, et si par mon adresse
J'apprends jusqu'où le Prince engage sa tendresse,
Si ses vrais sentiments pour lui me sont connus,
L'obstacle que je crains ne m'arrêtera plus.
J'en vais tenter l'épreuve, et vous en rendrai compte.
Persée
Vous voyez mon malheur connoissant notre honte.
Parlez, et de vos soins à l'État importants
Mon cœur croira tenir le trône que j'attends.
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