Persée et Démétrius
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ACTE III - Scène III

Thomas Corneille

ACTE III - Scène III

Philippe
Enfin, Didas, enfin le ciel me favorise,
Et nous verrons demain éclater le grand jour
Qui contre la discorde intéresse l'amour.
C'est peu qu'au plus haut rang ta fille soit placée,
La Princesse consent à l'hymen de Persée,
Et dans l'heureux succès dont je me sens charmer,
Mon cœur ne conçoit plus de souhaits à former.

Didas
Pour rompre les malheurs dont le péril vous presse
Il est beau que Persée épouse la Princesse,
L'État à cet hymen se doit intéresser,
Mais pour Démétrius, il n'y faut point penser.
Loin d'accepter la gloire où pour moi l'on s'apprête,
Je viens, Seigneur, vous apporter ma tête.
Dans le peu que je suis c'est le moins que je dois
À l'insolent refus des bontés de mon Roi.

Philippe
De quel trouble nouveau reçois-je la menace ?
De ce fils téméraire explique-moi l'audace.
Se voudroit-il dédire, et dégager sa foi
Par le refus forcé qu'il exige de toi ?

Didas
Non, Seigneur, et c'est là ce qui me rend coupable.
Le Prince à vos désirs s'est montré favorable,
Et sur ce grand hymen dont vous m'aviez flatté,
Je l'ai vu de mes vœux enhardir la fierté,
Mais son sang dont par là la splendeur se ravale
Ne souffre point du mien l'union inégale,
Et quoi que votre aveu semble l'autoriser,
Je me rends criminel si j'ose en abuser.
C'est ce qu'avec respect, pour vous le faire entendre,
J'ai cru devoir tâcher de lui faire comprendre,
Mais malgré tous mes soins, mon zèle et mon respect
N'ont eu rien que soudain il n'ait trouvé suspect,
Et sur un vain soupçon dont son âme est blessée
Me croyant contre lui du parti de Persée,
Plus d'accord, plus d'hymen ; loin d'en souffrir les nœuds
Ma perte désormais est l'objet de ses voeux.
Quoi que tente, Seigneur, son aveugle colère,
J'aurai tout mérité si j'ai su vous déplaire,
Et si mon sang au vôtre indigne de s'unir
Est un crime qu'en moi vous trouviez à punir.

Philippe
Quoi, c'est peu que l'appui de toute ma puissance
Pour suppléer l'éclat qui manque à ta naissance,
Et ma faveur pour toi n'offre rien dont l'effort
Suffise à réparer l'injustice du Sort ?

Didas
Trop, Seigneur, mais enfin si j'ose vous le dire,
La gloire des grandeurs n'est pas celle où j'aspire,
Et mes désirs jamais ne prendront pour objet
Que l'honneur éclatant de vivre bon Sujet.

Philippe
Dans ce nouveau degré de gloire et de puissance,
De l'ardeur de ton zèle ai-je moins d'assurance,
Et ta foi…

Didas
Je serai toujours ferme, soumis ;
Mais je crains l'apparence, et j'ai des Ennemis.

Philippe
Que peut-on contre toi, si, quoi qu'on puisse faire,
Toujours sur tes avis…

Didas
Souffrez-moi de me taire,
Seigneur, et ne voyez que ma témérité
Quand je refuse un bien que j'ai peu mérité.

Philippe
Non, non, explique-toi.

Didas
Que puis-je vous apprendre
Que ce qu'un bruit commun vous a pu faire entendre ?
Seigneur, jusques ici, pour ne vous aigrir pas,
J'ai de Démétrius : caché les attentats.
Par mes soins redoublés veillant sur sa conduite
Je me suis contenté d'en prévenir la suite,
Et s'il souffre l'hymen que lui prescrit son Roi,
C'est qu'il cherche une voie à s'assurer de moi ;
Car enfin ce n'est pas sans raison qu'on soupçonne
Que son ambition en veut à la Couronne,
Ses brigues dont par moi l'effet s'est vu détruit,
De l'orgueil de ses vœux ne m'ont que trop instruit.
Le Sénat avec lui toujours d'intelligence
Par un appui secret en soutient l'arrogance,
Et pour voir jusqu'ici Rome donner la loi,
Quintius a juré de le couronner Roi.
Peut-être que déjà malgré ma vigilance
Le péril de l'orage est plus près qu'on ne pense,
Et que ceux où je mets notre plus ferme appui,
Gagnés par son adresse, oseront tout pour lui.
Si devenu mon Gendre il attente, il s'oublie,
Qu'est-ce que l'imposture aussitôt ne publie,
Et qui ne croira point que d'un si noir forfait,
Pour voir régner mon sang, j'aurai pressé l'effet ?
Non, non, pour ce refus s'il faut donner ma tête,
J'y consens, ordonnez, la voilà toute prête.
J'aurai la joie au moins de voir par là ma foi
Jusqu'au dernier soupir vous répondre de moi.

Philippe
Dieux, quand votre courroux contre moi se déploie,
N'a-t-il pour me punir que cette seule voie,
Et si Rome en secret me fait des Ennemis,
Le verrai-je toujours à craindre dans un fils ?
Didas, ton trop de zèle a trahi ta prudence,
Il falloit de ce fils gagner la confiance,
Et tirer de l'hymen que j'avois arrêté
Le droit de voir son crime avec plus de clarté.
Si sa lâche fureur par toi n'eût pu s'éteindre,
Du moins j'aurois connu ce qu'il m'eût fallu craindre,
Au lieu que mes soupçons, qu'en vain j'ai cru bannir.
Ayant à craindre tout, n'ont rien à prévenir.
Mais pardonnez, madame, à l'ennui qui me presse,
J'abuse des bontés d'une illustre Princesse,
Et ce n'est pas ici qu'il faut voir quel secours
Peut forcer le péril qui menace mes jours.

Érixène
La part que m'y fait prendre une auguste alliance…


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