ACTE DEUXIÈME - Scène II



(LÉLIO, ARLEQUIN, COLOMBINE.)

LÉLIO
Pourquoi donc madame la comtesse se retire-t-elle en me voyant ?

COLOMBINE(présentant le billet.)
Monsieur… ma maîtresse a jugé à propos de réduire sa conversation dans ce billet. À la campagne, on a l'esprit ingénieux.

LÉLIO
Je ne vois pas la finesse qu'il peut y avoir à me laisser là, quand j'arrive, pour m'entretenir dans des papiers. J'allais prendre des mesures avec elle pour nos paysans. Mais voyons ses raisons.

ARLEQUIN
Je vous conseille de lui répondre sur une carte ; cela sera bien drôle.

LÉLIO
(LIT)
"Monsieur, depuis que nous nous sommes quittés, j'ai fait réflexion qu'il était assez inutile de nous voir." Oh ! très inutile ; je l'ai pensé de même. "Je prévois que cela vous gênerait ; et moi, à qui il n'ennuie pas d'être seule, je serais fâchée de vous contraindre." Vous avez raison, madame ; je vous remercie de votre attention. "Vous savez la prière que je vous ai faite tantôt au sujet du mariage de nos jeunes gens ; je vous prie de vouloir bien me marquer là-dessus quelque chose de positif." Volontiers, madame ; vous n'attendrez point. Voilà la femme du caractère le plus passable que j'aie vue de ma vie. Si j'étais capable d'en aimer quelqu'une, ce serait elle.

ARLEQUIN
Par la morbleu ! j'ai peur que ce tour-là ne vous joue un mauvais tour.

LÉLIO
Oh ! non ; l'éloignement qu'elle a pour moi me donne, en vérité, beaucoup d'estime pour elle ; cela est dans mon goût. Je suis ravi que la proposition vienne d'elle ; elle m'épargne, à moi, la peine de la lui faire.

ARLEQUIN
Pour cela, oui ; notre dessein était de lui dire que nous ne voulions plus d'elle.

COLOMBINE
Quoi ! ni de moi non plus ?

ARLEQUIN
Oh ! je suis honnête ; je ne veux point dire aux gens des injures à leur nez.

COLOMBINE
Eh bien ! monsieur, faites-vous réponse ?

LÉLIO
Oui, ma chère enfant, j'y cours ; vous pouvez lui dire, puisqu'elle choisit le papier pour le champ de bataille de nos conversations, que j'en ai près d'une rame chez moi, et que le terrain ne me manquera de longtemps.

ARLEQUIN
Eh ! eh ! eh ! nous verrons à qui aura le dernier.

COLOMBINE
Vous êtes distrait, monsieur ; vous me dites que vous courez faire réponse, et vous voilà encore.

LÉLIO
J'ai tort ; j'oublie les choses d'un moment à l'autre. Attendez là un instant.

COLOMBINE(l'arrêtant.)
C'est-à-dire que vous êtes bien charmé du parti que prend ma maîtresse ?

ARLEQUIN
Pardi ! cela est admirable !

LÉLIO
Oui, assurément, cela me fera plaisir.

COLOMBINE
Cela se passera. Allez.

LÉLIO
Il faut bien que cela se passe.

ARLEQUIN
Emmenez-moi avec vous ; car je ne me fie point à elle.

COLOMBINE
Oh ! je ne consentirai point à demeurer seule ; je veux causer.

LÉLIO
Fais-lui l'honnêteté de rester avec elle ; je vais revenir.

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