HERMOCRATE, PHOCION
PHOCION
Eh bien ! Hermocrate, je vous croyais occupé à vous arranger pour votre départ.
HERMOCRATE
Ah ! charmante Aspasie, si vous saviez combien je suis combattu !
PHOCION
Ah ! si vous saviez combien je suis lasse de vous combattre ! Qu'est-ce que cela signifie ? On n'est jamais sûr de rien avec vous.
HERMOCRATE
Pardonnez ces agitations à un homme dont le cœur promettait plus de force.
PHOCION
Eh ! votre cœur fait bien des façons, Hermocrate ; soyez agité tant que vous voudrez ; mais partez, puisque vous ne voulez pas faire le mariage ici.
HERMOCRATE
Ah !
PHOCION
Ce soupir-là n'expédie rien.
HERMOCRATE
Il me reste encore une chose à vous dire, et qui m'embarrasse beaucoup.
PHOCION
Vous ne finissez rien, il y a toujours un reste.
HERMOCRATE
Vous confierai-je tout ? Je vous ai abandonné mon cœur, et je vais être à vous, ainsi il n'y a plus rien à vous cacher.
PHOCION
Après ?
HERMOCRATE
J'élève Agis depuis l'âge de huit ans ; je ne saurais le quitter si tôt, souffrez qu'il vive avec nous quelque temps, et qu'il vienne nous retrouver.
PHOCION
Eh ! Qui est-il donc ?
HERMOCRATE
Nos intérêts vont devenir communs : apprenez un grand secret. Vous avez entendu parler de Cléomène ; Agis est son fils, échappé de la prison dès son enfance.
PHOCION
Votre confidence est en de bonnes mains.
HERMOCRATE
Jugez avec combien de soin il faut que je le cache, et de ce qu'il deviendrait entre les mains d'une Princesse qui le fait chercher à son tour, et qui apparemment ne respire que sa mort.
PHOCION
Elle passe pourtant pour équitable et généreuse.
HERMOCRATE
Je ne m'y fierais pas ; elle est née d'un sang qui n'est ni l'un ni l'autre.
PHOCION
On dit qu'elle épouserait Agis, si elle le connaissait, d'autant plus qu'ils sont du même âge.
HERMOCRATE
Quand il serait possible qu'elle le voulût, la juste haine qu'il a pour elle l'en empêcherait.
PHOCION
J'aurais cru que la gloire de pardonner à ses ennemis valait bien l'honneur de les haïr toujours, surtout quand ces ennemis sont innocents du mal qu'on nous a fait.
HERMOCRATE
S'il n'y avait pas un trône à gagner en pardonnant, vous auriez raison, mais le prix du pardon gâte tout ; quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas de cela.
PHOCION
Agis aura lieu d'être content.
HERMOCRATE
Il ne sera pas longtemps avec nous ; nos amis fomentent une guerre chez l'ennemi, auquel il se joindra ; les choses s'avancent, et peut-être bientôt les verra-t-on changer de face.
PHOCION
Se défera-t-on de la Princesse ?
HERMOCRATE
Elle n'est que l'héritière des coupables ; ce serait là se venger d'un crime par un autre, et Agis n'en est point capable : il suffira de la vaincre.
PHOCION
Voilà, je pense, tout ce que vous avez à me dire ; allez prendre vos mesures pour partir.
HERMOCRATE
Adieu, chère Aspasie ; je n'ai plus qu'une heure ou deux à demeurer ici.
L'Île des esclaves, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1725, se déroule sur une île utopique où les rapports sociaux sont inversés pour rétablir la justice. L'intrigue débute...
L'Île de la raison, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1727, se déroule sur une île imaginaire gouvernée par la raison et la vérité, où les habitants vivent...
L'Heureux Stratagème, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1733, raconte les manœuvres subtiles de deux amants pour raviver leur amour mis à l'épreuve. La marquise et le chevalier,...
L'Héritier de village, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1725, raconte les mésaventures d’un jeune homme naïf, Eraste, nouvellement désigné comme héritier d’un riche villageois. L’histoire se déroule...
Les Serments indiscrets, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1732, explore les contradictions de l’amour et de la parole donnée. L’intrigue tourne autour de Lucile et Damis, deux...