ERNEST puis HERMANCE
ERNEST
(en costume de jardinier, un arrosoir à chaque main; il arrose la corbeille du milieu; se retournant.)
Elle m'a dit: "A huit heures, sous l'orme !" J'y suis. (Avec un soupir.)
J'y suis, mais déguisé en homme de jardin. J'ai pris le costume du jardinier, parce que après les événements d'hier nous ne saurions être trop prudents. Pauvre Hermance! J'ai cherché toute la nuit un biais… tendre, pour lui dire: "Mais, sapristi ! est-ce que vous n'en avez pas assez de cette existence?… Hermance, rentrons dans le devoir… Épousons ma cousine Berthe." Ah ! elle ne comprendra jamais cela, jamais !… Bon ! ce sont mes jambes que j'arrose à présent.
(Il va arroser la corbeille de gauche.)
HERMANCE
(arrivant de droite, troisième plan.)
Pierre, avez-vous des melons pour ce soir ?(Voyant Ernest.)
Ernest !
ERNEST
(déconcerté.)
Vous me reconnaissez ?
HERMANCE
Je vous devine. Donnez-moi un arrosoir et causons de loin pour ne pas être surpris.
(Ils continuent la scène en arrosant, ERNEST à gauche, HERMANCE au milieu.)
HERMANCE
(venant en scène.)
Je vous ai dit de venir ici, parce que je ne veux plus vous recevoir, j'ai trop peur !
ERNEST
(même jeu.)
Moi aussi !
HERMANCE
Ernest, il faut en finir.
ERNEST
(avec tristesse.)
C'est donc une rupture ?
HERMANCE
(même jeu.)
Ne prononcez pas ce mot.
ERNEST
Ah ! Hermance !
HERMANCE
Ah ! Ernest !
ERNEST
Je serai toujours votre ami.
HERMANCE
C'est encore trop : Ernest, il faut vous marier, mon ami.
ERNEST
(s'oubliant.)
J'y pensais.
HERMANCE
(étonnée, et posant à terre son arrosoir.)
Hein ? Vous y pensiez ?
ERNEST
(posant son arrosoir.)
Je pensais que vous alliez me faire cette horrible proposition.(Avec des larmes dans la voix.)
Après ce que je vous ai écrit il y a huit jours !
HERMANCE
J'ai toujours votre lettre sur mon cœur !
ERNEST
Et vous voulez que je prenne une femme ?
HERMANCE
II le faut, mon ami.
ERNEST
(hypocritement.)
Laquelle?
HERMANCE
Ma tante.
ERNEST
La vieille !
HERMANCE
Elle sera si heureuse !
ERNEST
Je crois bien !
HERMANCE
J'ai déjà tout arrangé dans ma tête. Vous épouserez ma tante : elle n'est pas jolie, mais elle ne l'a jamais été ; que vous importe ?
ERNEST
Oh! rien… seulement, c'est une vieille demoiselle.
HERMANCE
Eh bien ?
ERNEST
Pendant que nous y sommes, je crois que nous ferions mieux d'en prendre une jeune.
HERMANCE
(vivement.)
Laide… alors.
ERNEST
(avec indifférence.)
Laide ou jolie.
HERMANCE
Jolie, jamais !
ERNEST
Cherchons dans les laides. Oh ! Dieu ! cela m'est égal !… Il y a ma cousine.
HERMANCE
Berthe ?
ERNEST
Cela ferait plaisir à mon oncle.
HERMANCE
Elle est très jolie.
ERNEST
Peuh ! je n'aime pas ces beautés-là, moi… et puis, vous savez, je l'ai vue toute petite.
Elle n'avait qu'une dent; elle était affreuse ! ça m'est toujours resté.
HERMANCE
Je préfère que vous épousiez ma tante.
ERNEST
Plutôt mourir de la main de Marjavel.
(On entend le claquement d'un fouet.)
HERMANCE
(reprenant l'arrosoir.)
Qu'est-ce que c'est que ça?
ERNEST
(même jeu et passant vivement.)
C'est le cocher, il a quitté le septième bec de gaz pour se mettre devant la porte.
HERMANCE
Cependant vous lui avez donné ce qu'il vous demandait ?
ERNEST
Mais il me nargue. Nous sommes à la merci de cet homme.
HERMANCE
Je ne peux plus vivre ainsi.
(Elle pose l'arrosoir à gauche, près du banc.)
MARJAVEL
(du dehors, à gauche.)
Krampach, va me chercher le jardinier, mort ou vif.
ERNEST
C'est Marjavel… Il cause avec Krampach !
(Il pose l'arrosoir à droite, deuxième plan.)
HERMANCE
(effrayée, venant en scène.)
Mariez-vous avec votre cousine aujourd'hui, à l'instant.
ERNEST
Je vais écrire à mon oncle.
HERMANCE
(remontant à la corbeille du milieu, ERNEST la suit.)
Et j'annoncerai la nouvelle à mon mari.
ERNEST
(lui tendant la main.)
Adieu !
HERMANCE
(lui prenant la main.)
Adieu !
ERNEST
(avec des larmes.)
Ainsi tout est fini ?
HERMANCE
(pleurant aussi.)
Tout.
ERNEST
(à part, se séparant d'HERMANCE.)
Enfin ! je respire.
HERMANCE
(à part, gagnant à gauche.)
Maintenant, je suis calme.
MARJAVEL
(entrant.)
Ah! mais le voilà. Dis donc, toi!… cet animal-là sait qu'on a perdu un diamant et il ratisse les allées !
HERMANCE
II arrosait, mon ami.
MARJAVEL
Je l'ai vu ratisser de la chambre d'Ernest. Arrive ici, butor ! (ERNEST s'approche de dos.)
Je t'avais recommandé d'emporter cette caisse, ces pots et ces bancs.(ERNEST prend une caisse vide et la met sur sa tête, de façon à se cacher jusque sur les épaules, MARJAVEL lui met sur les bras deux pots à fleurs vides, et le surcharge d'une chaise qu'il pose sur la caisse.)
Tu ne réponds rien, brute?
(Il le pousse et le fait sortir par la gauche. ERNEST murmure.)
HERMANCE
Mais vous le chargez trop.
MARJAVEL
Lui ? allons donc ! il est fort comme un bœuf. (ERNEST s'en va en trébuchant.)
Et il fait bon, boum, encore!…
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