Chapitre XV

Malheureusement je n’étais pas malade. Le lendemain il fallut sortir de l’infirmerie. Le cachot me reprit.

Pas malade ! en effet, je suis jeune, sain et fort. Le sang coule librement dans mes veines ; tous mes membres obéissent à tous mes caprices ; je suis robuste de corps et d’esprit, constitué pour une longue vie ; oui, tout cela est vrai ; et cependant j’ai une maladie, une maladie mortelle, une maladie faite de la main des hommes.

Depuis que je suis sorti de l’infirmerie, il m’est venu une idée poignante, une idée à me rendre fou, c’est que j’aurais peut-être pu m’évader si l’on m’y avait laissé. Ces médecins, ces sœurs de charité, semblaient prendre intérêt à moi. Mourir si jeune et d’une telle mort ! On eût dit qu’ils me plaignaient, tant ils étaient empressés autour de mon chevet. Bah ! curiosité ! Et puis, ces gens qui guérissent vous guérissent bien d’une fièvre, mais non d’une sentence de mort. Et pourtant cela leur serait si facile ! une porte ouverte ! Qu’est-ce que cela leur ferait ?

Plus de chance maintenant ! mon pourvoi sera rejeté, parce que tout est en règle ; les témoins ont bien témoigné, les plaideurs ont bien plaidé, les juges ont bien jugé. Je n’y compte pas, à moins que… Non, folie ! plus d’espérance ! Le pourvoi, c’est une corde qui vous tient suspendu au-dessus de l’abîme, et qu’on entend craquer à chaque instant, jusqu’à ce qu’elle se casse. C’est comme si le couteau de la guillotine mettait six semaines à tomber.

Si j’avais ma grâce ? — Avoir ma grâce ! Et par qui ? et pourquoi ? et comment ? Il est impossible qu’on me fasse grâce. L’exemple ! comme ils disent.

Je n’ai plus que trois pas à faire : Bicêtre, la Conciergerie, la Grève.


"Le Dernier Jour d'un Condamné" de Victor Hugo est un récit poignant et intense qui plongent le lecteur dans l'esprit d'un homme condamné à mort, le héros anonyme, alors qu'il attend l'exécution de sa peine. À travers un regard lucide sur la réalité de la peine capitale, l'œuvre explore les pensées, les émotions et les réflexions de ce condamné, dévoilant ses angoisses et ses souvenirs. L'auteur, en taillant dans la chair de cet enfermement psychologique, met en lumière l'absurdité et la cruauté d'une justice qui se veut rétributive.

Le récit est empreint d'une grande humanité, le personnage principal partage ses réflexions sur la vie, la mort, le désespoir et l'espoir, qu'il s'accroche encore malgré son destin tragique. On ressent son isolement dans la prison, l'angoisse qui le ronge à l'approche de l'exécution, mais aussi ses souvenirs de liberté, de joie et de regret, ce qui rend son vécu terriblement touchant et universel. À travers ses pensées, le lecteur est amené à comprendre la souffrance d'un individu face à une société qui ne lui accorde aucune pitié.

Hugo use d'une écriture très évocatrice, réussissant à susciter chez le lecteur une empathie profonde pour le condamné. Le livre est à la fois une critique sociale de la peine de mort et une introspection sur la condition humaine, sur le sens de la vie et le poids de la culpabilité. Chaque page est imprégnée de la tension de l’imminence de la mort et d’un désir ardent de vivre, de reprendre son destin en main, mais aussi d’une lucidité sur l’inéluctabilité du sort.

Tout au long de l'œuvre, Victor Hugo interroge la notion de justice et d'humanité. Le condamné, sans nom et sans visage, devient alors un symbole de tous ceux qui souffrent sous le poids d'un système judiciaire inhumain. À travers un style lyrique et poignant, l'auteur invite ses lecteurs à réfléchir sur leurs propres valeurs et sur la fragilité de la vie humaine.

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