(BEATRIX GUZMAN)
BEATRIX (, paraissant à la porte d' ISABELLE au même temps que GUZMAN se présente pour entrer.)
GUZMAN vient seul ici ! Qu'a-t-il fait de son Maître.
GUZMAN
Je suis son Lieutenant quand il ne peut paroître,
Avec un grand Parleur dans la rue arrêté,
Il trouve à le quitter quelque difficulté,
Et s'il tarde un peu trop, craignant qu'on ne l'accuse,
Il m'envoie en tous cas en faire son excuse.
Il saura trancher court, et peut-être il me suit.
BEATRIX
Enfin on l'attendra plutôt jusqu'à la nuit.
Mais pourquoi n'entrer pas ? Qui t'arrête à la porte ?
GUZMAN
J'en avois à mon gré raison valable et forte ;
Mais on ne sauroit fuir ce qui doit arriver,
Je craignois de te voir, et tu me viens trouver.
BEATRIX
Quoi, pour te faire peur suis-je assez effroyable ?
GUZMAN
Non pas, mais je te crains pourtant comme le diable,
Et choisirois plutôt, s'il dépendoit de moi,
D'être tenté par lui que de l'être par toi.
BEATRIX
Ne t'épouvante point ; si ton cœur en soupire,
Tu t'accoutumeras.
GUZMAN
Il ne coûte qu'à dire ;
Et quoi qu'un pauvre cœur soit tout percé de coups,
Pourvu qu'on s'accoutume il doit être fort doux ?
Mais en m'accoutumant, comme j'ai l'âme prompte,
Quand je n'en pourrai plus, ce sera pour mon compte.
Cependant de ta part, loin de me soulager,
Tu t'accoutumeras à me faire enrager.
BEATRIX
Tu crois donc qu'à me voir ton repos se hasarde ?
GUZMAN
Je suis tout palpitant dès que je te regarde,
Et de mes sens ravis en contemplation,
Mes yeux seuls près de toi gardent leur fonction,
Peu s'en faut que mon cœur n'en soit paralytique.
BEATRIX
Pourroit-il craindre un mal que ta langue m'explique ?
Qui le connoît si bien n'est pas pour en mourir,
Et si je t'ai blessé, je pourrai te guérir.
GUZMAN
Si tu connois assez jusqu'où va ma blessure,
Tu n'entreprendras pas une légère cure,
Et je puis t'en promettre un honneur sans égal,
La rechute, dit-on, est pire que le mal,
Mais à guérir le mien s'il faut que tu consentes,
Tiens mon cœur en état d'en avoir de fréquentes,
Et songe qu'avec toi ravi de s'embourber,
Il ne voudra guérir qu'afin de retomber.
BEATRIX
Va, GUZMAN, j'aurai soin, de peur qu'il ne t'empire,
D'avoir quelque douceur chaque jour à te dire,
Ni langueurs ni soupirs ne te coûteront rien.
GUZMAN
Je crois qu'aux délicats tout cela fait grand bien,
Mais pour moi qui crains fort les crudités venteuses
J'eus toujours l'estomac contraire aux viandes creuses,
Et quand pour mes péchés il en est question,
Je n'en tâte jamais sans indigestion.
BEATRIX
Tu n'es donc point mon fait, ainsi que de tous âges.
Parmi mes Soupirants j'en ai de tous étages.
Je reçois compliment, soins, complaisance, voeux,
Mais ce meuble d'amour est tout ce que j'en veux,
Chacun me fait sans peine écouter son martyre,
J'estime les polis, et les sots me font rire.
C'est ainsi que l'amour dans mon cœur se nourrit.
GUZMAN
Cet amour est bien jeune, on n'a guère d'esprit.
Je sais bien qu'en effet, quand il commence à naître,
Ce n'est que de douceurs qu'il aime à se repaître,
Cet aliment alors sans peine le soutient,
Mais je le crois léger quand l'appétit lui vient.
S'en tenir toujours à tu m'aimes, et je t'aime,
Si c'est faire enrager, c'est enrager soi-même,
Et le simple art coquet, si des sottes l'ont eu,
Sans de grands ragoûts n'est pas grande vertu.
BEATRIX
Tu vas un peu trop loin ; encor sommes-nous faites
Pour ouïr des douceurs, écouter des fleurettes ;
C'est à quoi la plus prude aisément se résout,
Mais il faut que toujours la vertu règle tout.
GUZMAN
Tu me la bailles belle avec ta pruderie.
Enfin qu'attrape-t-on par la coquetterie,
Et que sert la vertu que tu me veux prêcher,
Si sous l'habit du vice on aime à la cacher ?
C'est être sage en vain que ne la point paroître.
Pour moi, je sui pécheur autant qu'il le faut être,
Et je ne sache rien qui me choque l'esprit,
Comme se vendre au Diable, et s'y vendre à crédit.
BEATRIX
Je pense, pour t'avoir, qu'il lui doit coûter bonne.
GUZMAN
Ce n'est pas trop gratis, et fol est qui s'y donne.
Mais enfin, bien plutôt que je n'eusse espéré.
D'avec son grand Parleur mon Maître s'est tiré.
La pièce "Stilicon" de Thomas Corneille est une tragédie historique en cinq actes qui se déroule dans la Rome antique et met en scène des intrigues politiques, des trahisons, des...
La pièce "Persée et Démétrius" de Thomas Corneille est une tragédie en cinq actes qui explore les thèmes de la rivalité familiale, de l’ambition politique, de la jalousie et des...
La pièce "L'Inconnu" de Thomas Corneille est une comédie en cinq actes où les thèmes de l'amour, des stratagèmes et des quiproquos sont centraux. L'histoire met en scène une veuve,...
La pièce "Les Illustres Ennemis" de Thomas Corneille est une tragédie en cinq actes qui explore des thèmes classiques tels que l'honneur, l'amour contrarié, la vengeance, et les tensions familiales....
La pièce "Le Festin de pierre", écrite par Thomas Corneille et créée en 1677, est une adaptation en vers de la célèbre comédie "Dom Juan" de Molière (1665). Elle raconte...