(DOM FERNAND ISABELLE BEATRIX)
DOM FERNAND
À voir quelles bontés d'abord sans me connoître
Vous avez bien voulu me faire ici paroître,
J'ai lieu de présumer que la peine où je suis
Vous rendra favorable à finir mes ennuis.
C'étoit pour moi sans doute une disgrâce extrême
D'aimer avec excès, et d'ignorer qui j'aime,
Mais d'un plus rude sort j'ai tout à redouter,
Si par votre secours je ne puis l'éviter.
ISABELLE
En vain à vous cacher votre esprit s'étudie.
De grâce, jouez-vous ici la Comédie,
Ou si vous prétendez que pour votre intérêt
Mon esprit soit brouillé comme le vôtre l'est ?
DOM FERNAND
Madame, où trouvez-vous que ce soit frénésies…
ISABELLE
Oui, sans doute, il vous faut des douceurs mieux choisies,
Et la pauvre abusée à qui vous en contez,
Pour vous croire honnête homme, a de grandes clartés.
Certes, votre méthode est galante et nouvelle.
Pour moi Dom Dionis, et DOM FERNAND pour elle ?
Ce rare expédient à vous mettre en crédit,
D'aucun autre avant vous n'avoit frappé l'esprit,
Et ce sont en amour de subtiles adresses,
Que prendre autant de noms que l'on fait de Maîtresses.
Un si beau stratagème en a-t-il bien dupé ?
DOM FERNAND
De quel étonnement mon esprit est frappé !
M'amenoit-on ici pour un pareil outrage ?
BEATRIX
Il falloit un peu plus vous sucrer le breuvage,
À vous, qui DOM FERNAND quand vous vous avisez,
Chez nous effrontément vous endionisez ;
Ce sont là les moyens d'en attraper de belles.
DOM FERNAND
Ces façons de traiter me sont assez nouvelles.
Madame, c'est ainsi que me jugeant discret,
D'une aimable Inconnue on m'apprend le secret ?
ISABELLE
Elle apprendra le vôtre, et saura qui vous êtes ;
Mais pour vous, croyez-moi, vos affaires sont faites,
Vous n'en saurez jamais ni le rang ni le nom.
BEATRIX
Voyez le fourbe ! Et puis, à qui se fiera-t-on ?
DOM FERNAND
Mais à ce changement quel motif vous engage ?
ISABELLE
C'est trop longtemps jouer le même personnage.
Enfin, Dom Dionis, mettons le masque bas.
DOM FERNAND
Quel est ce Dionis ?
ISABELLE
Quoi, vous ne l'êtes pas ?
DOM FERNAND
Moi ? Si ce jeu vous plaît, quel qu'en soit le mystère…
BEATRIX
Payez son impudence, ou bien laissez-moi faire.
Voyez, il nous prendra pour ses dupes, ma foi.
DOM FERNAND
Quelle est cette Beauté qui parle contre moi ?
Madame, est-ce une Amie, ou bien quelque Parente ?
BEATRIX
Faites bien l'ignorant, je ne suis que Suivante,
Mais telle que je suis, vous ayant rencontré,
Vous me trouviez tantôt assez à votre gré.
ISABELLE
Il t'en veut donc aussi ?
DOM FERNAND
Je ne l'ai jamais vue.
BEATRIX
Il m'a galantifiée au milieu de la rue,
Et son cœur, s'il m'eût fait en croire ses serments,
Se fût enregistré sur mon papier d'amant.
La chose n'est pas vraie ?
DOM FERNAND
Il est vrai qu'on me joue,
Et qu'on ne me dit rien que je ne désavoue.
À pas une des deux je n'ai fait les yeux doux.
ISABELLE
DOM JUAN de Torres n'est point connu de vous ?
DOM FERNAND
Je ne sais quel il est, et trêve d'incartade.
Mon nom est DOM FERNAND ; et mon pays, Grenade ;
Et je viens d'un procès presser ici la fin.
BEATRIX
Gardez d'être frotté, Monsieur le Grenadin.
Quelque temps qu'à forger vous ait coûté l'histoire,
Vous le passeriez mal si l'on m'en vouloit croire.
Entrant à l'aise ici, l'on ne vous hâtoit pas,
Mais, ma foi, pour sortir vous doubleriez le pas,
Je vous remercierois de votre effronterie.
DOM FERNAND
Enfin est-ce gageure, ou bien galanterie ?
Prétend-on quelque chose affectant ce courroux ?
ISABELLE
Non, non, Dom Dionis, on ne veut rien de vous.
DOM FERNAND
Mais ce Dom Dionis qu'en moi l'on veut connoître…
ISABELLE
Il m'importe fort peu que vous le vouliez être,
Pourvu qu'en le voyant vous sachiez l'avertir,
Que je ne l'ai souffert que pour me divertir.
De ses fades douceurs, par cœur sans doute apprises,
Il m'a plu quelquefois d'écouter les sottises,
Mais loin qu'il pût avoir quelques charmes pour moi,
Mon choix à Dom Félix répondoit de ma foi ;
À des Provinciaux j'aime à donner la baye.
Adieu, mon Cavalier.
BEATRIX
Voilà comme on vous paye,
Messieurs, qui venez provincialement
Débiter la fleurette, et prêter le serment.
On vous fait bonne mine, on rit, on raille, on, cause,
Mais les amis du cœur, dame, c'est autre chose,
La tablature change, on parle sérieux.
DOM FERNAND
C'est donc à qui de vous m'embarrasseras mieux ?
Si c'est là votre but, la pièce est imparfaite.
ISABELLE
C'est assez, il est temps que vous fassiez retraite.
DOM FERNAND (, voulant sortir par où on l'avoit fait entrer.)
Adieu, ne croyez pas m'en avoir inquiété.
ISABELLE (, l'arrêtant.)
Non, non, mon Cavalier, tournez de ce côté,
Sortez par l'autre porte, elle vous est connue.
DOM FERNAND
Quoi ? Vous continuez…
BEATRIX
Gagnons vite la rue,
Le meilleur est pour vous de déloger sans bruit,
Je vous y conduirai ; bonsoir et bonne nuit.
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