(DOM JUAN DOM FERNAND ISABELLE BEATRIX GUZMAN)
DOM JUAN (, contrefaisant l'étonné.)
Que vois-je ? Juste Ciel ! En croirai-je mes yeux ?
Vous êtes ici ? Vous ? Ma surprise est extrême.
DOM FERNAND
Qui vous la peut causer ?
DOM JUAN
Mais c'est vous-même ?
C'est vous ? Dom Dionis ?
DOM FERNAND
Que veut-on que je sois ?
Parlez.
DOM JUAN
J'en crois à peine encor ce que je vois.
ISABELLE
Mais qui de ce transport vous peut rendre capable ?
DOM JUAN
Une aventure étrange, et qui semble une fable.
Madame, à ce détour que je viens de quitter.
Un Cavalier passant, j'ai voulu l'arrêter,
Tel que Dom Dionis, mêmes traits de visage,
Même voix, même port c'est la vivante image,
Et beaucoup se vêtant de la même façon,
Son habit a laissé mon erreur sans soupçon.
Pour m'en faire sortir, quoi qu'il est pu me dire,
J'ai pris tout pour adresse, et cru qu'il vouloit rire.
Et serois encor loin de m'en voir éclairci,
Si je ne rencontrois Dom Dionis ici.
DOM FERNAND
Son nom est DOM FERNAND ?
DOM JUAN
Je n'ai su rien apprendre,
Sinon que pour quelque autre on me l'auroit fait prendre,
Et sans plus m'écouter il a tiré chemin.
BEATRIX
Madame, assurément c'est notre Grenadin.
ISABELLE
Pauvre dupe !
BEATRIX
Pas tant peut-être qu'il vous semble.
DOM FERNAND
Mais si le Ciel permet qu'un autre me ressemble,
Faut-il sous ce malheur que je sois accablé ?
GUZMAN
Monsieur, je suis perdu si vous êtes doublé.
Ce second Dionis terriblement me choque,
Aux dépens de mon dos j'en crains bien l'équivoque.
Si l'abordant pour vous, il prend son sérieux ?
DOM JUAN
Enfin jamais portrait ne ressemblera mieux.
Tout autre y seroit pris.
ISABELLE
Il faut que je l'avoue,
Chacun de vous fait bien dans le rôle qu'il joue,
Le conte avec grand art est sans doute inventé.
De grâce, DOM JUAN, vous a-t-il bien coûté ?
Ce rare effort d'esprit vous comblera de gloire.
DOM JUAN
Je ne suis point surpris qu'on ait peine à me croire,
Moi-même qui m'en trouve encor tout interdit,
Je prendrois pour un conte un semblable récit ;
Mais il n'est rien plus vrai.
BEATRIX
Vous en doutez, Madame ?
ISABELLE
Qu'il est souvent aisé de tromper une Femme !
Simple, tu ne vois pas qu'ils s'entendent tous deux ?
BEATRIX
Doutez, puisqu'il vous plaît ; pour moi, je suis pour eux,
Et j'ai vu tant de fois de telles ressemblances,
Que je ne puis avoir toutes vos défiances.
Pour s'être tenu prêt à fourber avec nous,
Pouvoit-il deviner qu'on le menoit chez vous ?
Y seroit-il venu sachant ce qu'il hasarde ?
Outre que si vous-même y voulez prendre garde,
Quel que soit leur rapport de visage et de voix,
L'autre sembloit moins large, et plus grand de deux doigts.
DOM JUAN
Oui, je lui crois la taille un peu plus déchargée.
DOM FERNAND
Non, non, c'est entre nous une histoire forgée,
Madame en juge mieux, et me doit quereller,
De peur que mon malheur ne m'oblige à parler.
ISABELLE
Quels reproches de vous aurois-je lieu de craindre ?
DOM FERNAND
Celui de mal aimer, ou plutôt de trop feindre,
Et de m'avoir caché qu'un plus heureux que moi
Était maître du cœur où prétendoit ma foi.
ISABELLE
Si quelque autre a sur lui la victoire obtenue,
Je pourrois opposer l'amour d'une Inconnue ;
Mais quoi que vous fassiez j'y prends peu d'intérêt.
DOM FERNAND
Pour l'Inconnue enfin je ne sais ce que c'est,
Une telle aventure en vain pour moi s'applique,
Je n'y prends point de part, mais…
GUZMAN
Elle est hérétique,
Monsieur, vous perdez temps.
BEATRIX
Quel seroit son dessein,
Madame ? Pensez-vous…
ISABELLE
Tu me parles en vain.
Je ne croirai jamais qu'un autre lui ressemble,
Si tous deux aujourd'hui je ne les vois ensemble.
Tantôt pour m'éclaircir il peut venir chez moi.
DOM FERNAND
J'irai, mais DOM FERNAND vous répond-il de soi ?
ISABELLE
Qu'un semblable souci n'ait rien qui vous tourmente.
Depuis une heure au plus j'ai revu son Amante,
Qui sans savoir encor ce que je crois de lui,
Doit chez moi de nouveau l'envoyer aujourd'hui.
L'un ou l'autre y manquant, je sais mon personnage,
Adieu.
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