La mort d'Achille
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ACTE IV - Scène I

Thomas Corneille

ACTE IV - Scène I


(Achille, Alcime.)

ALCIME
Seigneur, jamais Traité ne causa tant de joie,
Nous entendons du Camp les cris qu'en pousse Troie,
Où chacun à l'envi d'un bien si précieux
Court au pied des Autels rendre grâces aux Dieux.
Pâris, le seul Pâris se plaint, se désespère,
Hélène à son amour a toujours droit de plaire,
Et la paix n'offre rien qui le puisse toucher
Quand il perd malgré lui ce qu'il a de plus cher.

ACHILLE
Et nos Grecs ?

ALCIME
Diomede, Ulysse, Idomenée
En faveur de Pyrrhus blâment vôtre hyménée,
Mais sans y mettre obstacle ; Agamemnon charmé
De nouveau s'abandonne à l'espoir d'être aimé,
Et croyant qu'à ses vœux Briseis est acquise,
Il aime en ce projet ce qui le favorise.
Tout est calme partout.

ACHILLE
Alcime, quel bonheur
Si ce calme empêchoit le trouble de mon cœur !
Il a beau se livrer aux charmes qui l'attirent,
Briseis et Pyrrhus tour à tour le déchirent,
Et de leurs feux trahis le remords accablant
Est un bourreau secret qu'il ne voit qu'en tremblant.
Quand l'amour malgré nous l'emporte sur la gloire,
Qu'un grand cœur est gêné d'une telle victoire,
Et qu'il est malaisé que ce honteux appas
lui coûte une foiblesse, et qu'il n'en souffre pas !
C'est peu que mon chagrin me fasse voir sans cesse,
Que j'assassine un Fils, accable une Maîtresse,
Polixène elle-même, à qui j'immole tout
Met ma flamme en désordre, et ma constance à bout.
A toute heure, en tous lieux, je l'entends qui s'écrie,
Songe songe Tyran quelle est ta barbarie,
Abusant du pouvoir qu'on te donne sur moi,
Tu m'arraches un cœur qui ne peut être à toi.
Tant que Pyrrhus vivra, quoique tu te proposes,
Ce cœur sera le prix des maux que tu lui causes,
Et mon dernier soupir, pour flatter son ennui,
Sera pour toi d'horreur, et de pitié pour lui.

ALCIME
Si de ses vœux contraints vous vous faites un crime,
Il est, il est, Seigneur, encor temps…

ACHILLE
Non, Alcime ;
J'ai beau voir quels malheurs en peuvent arriver,
J'adore Polixène, et ne puis m'en priver.
C'est mon destin. J'en suis le décret immuable.
Les Dieux m'ont fait un corps au fer impénétrable,
Aucun dards, aucun traits ne le peuvent percer,
Falloit-il que mon cœur fut facile à blesser,
Et qu'à mes passions mon âme abandonnée,
Par leurs moindres efforts fut toujours entraînée.

ALCIME
Elle peut s'apprêter à de nouveaux combats,
Polixène paroît, Seigneur.

ACHILLE
Qu'elle a d'appas !


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