(Achille, Alcime.)
ACHILLE
L'as-tu bien entendue, et conçois tu ma peine,
Alcime ? tout mon cœur se donne à Polixène,
Et dans mon propre Fils, par un revers fatal,
Prêt à me rendre heureux, je découvre un Rival ?
Plein d'un feu dont sur moi le pouvoir est extrême,
Je connois que Pyrrhus adore ce que j'aime,
Et de mon triste sort telles sont les rigueurs,
Que vivant par ma perte, il meurt si je ne meurs.
Ah, si des dieux jaloux la sévère injustice
Destinoit à ma flamme un si cruel supplice,
Que ne m'ont-ils, ces Dieux, qui vouloient me trahir,
Donné quelque Rival que je pusse haïr !
Son Sang auroit été le prix de ma Victoire.
Que n'ose Agamemnon m'en disputer la gloire !
Ses Grecs pour ce triomphe armés tous contre moi,
Me trouveroient un cœur incapable d'effroi ;
Mais j'ai beau l'affermir, ici tout m'abandonne,
Au seul nom de Pyrrhus je frémis, je m'étonne,
Et malgré tout l'amour que j'en sens redoubler,
Dés que je vois un Fils je commence à trembler.
Pourquoi cette foiblesse ? il doit tout à son père.
Est-ce à moi d'étouffer une flamme si chère,
Et prétend-il ce Fils que ne lui devant rien
J'achète son repos par la perte du mien ?
Non, non, s'il doit souffrir, jouissons de sa peine,
J'offense, en balançant, l'aimable Polixène,
Raison, pitié, tout cesse où brillent ses appas,
Et qui doute un moment ne la mérite pas.
C'en est fait, tout le veut, ne songeons qu'à lui plaire,
Faisons au nom d'amant céder celui de père,
Quelque ennui que Pyrrhus en puisse recevoir
Il a pour s'en guérir le temps et son devoir.
ALCIME
L'amour peut sur Pyrrhus avoir pris quelque empire ?
Mais quoique Briseis, Seigneur, vous ait pu dire,
Peut-être il n'aime pas avec assez d'excès
Pour se faire un malheur de votre heureux succès,
Et sitôt qu'il saura que cet amour vous gêne,
Son respect…
ACHILLE
Non, Alcime, il a vu Polixène,
Et ce charme attirant qui gagne tous les cœurs,
Ne sauroit inspirer de légères ardeurs,
J'en suis trop convaincu par mon expérience,
N'en doute point, il l'aime avecque violence,
Et tout l'espoir qui s'offre à mon cœur alarmé,
C'est que brûlant pour elle, il n'en soit point aimé.
Je pouvois le savoir, mais mon inquiétude
Du malheur dont je tremble a craint la certitude,
Et de cette frayeur vivement possédé,
De peur d'apprendre trop, je n'ai rien demandé.
Vaines précautions ! Qu'est-ce que je redoute ?
Pyrrhus aimé ? Non, non, il ne l'est point sans doute,
L'éclat seul qui pourroit faire estimer sa foi,
Il le tient de l'honneur d'être sorti de moi ;
D'aucun exploit fameux la gloire consommée
N'a fait en sa faveur parler la Renommée ;
Et la Cour de Priam ne le connoît encor,
Que sous le nom honteux de prisonnier d'Hector,
L'affront d'être vaincu lui fit voir Polixène ;
Mais de quel fol espoir veux-je flatter ma peine ?
Quoiqu'à voir le mérite un cœur trouve de jour,
A-t-on d'autre raison pour aimer que l'amour,
Et vers ce qui nous plaît toute l'âme entraînée,
Prend-elle ailleurs des lois que de la destinée ?
Ah, s'il faut que le Ciel de fureur animé
M'apprête le tourment de voir Pyrrhus aimé,
Quoique j'aie à souffrir, au moins pour ma vengeance…
ALCIME
Modérez ce transport, le voici qui s'avance.
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