(Achille, Pyrrhus, Alcime, Antilochus.)
PYRRHUS
Ah, Seigneur, puis-je assez vous témoigner ma joie ?
Pour reconnoître mieux ce que je tiens de vous,
Permettez que l'amour me jette à vos genoux.
Cette paix que ma flamme avoit tant souhaitée,
M'assure un bien si cher…
ACHILLE
Nous l'avons arrêtée,
Et ce soir Polixène, en présence du roi,
Doit confirmer l'accord par le don de sa foi.
Au Temple d'Apollon déjà tout se prépare ;
Mais quoique pour la paix votre amour se déclare,
Je crains qu'elle n'ait plus de quoi vous contenter,
Quand vous saurez le prix qu'il vous en doit coûter.
PYRRHUS
Ah, n'appréhendez point qu'il ait rien qui me gêne,
Puis-je trop acheter la main de Polixène ?
Quelques conditions qu'exigent les Troyens,
J'y consens, Polixène est le plus grand des biens,
Et puisque son hymen est le prix de ma flamme,
Accordons tout le reste, il touche peu mon âme.
ACHILLE
Et c'est ce qui du Sort vous marque le courroux,
La main que vous voulez ne sauroit être à vous.
PYRRHUS
Ne sauroit être à moi ? Dieux ! mais non, je m'abuse,
Et d'un transport trop prompt ma passion s'accuse.
Ne m'avez-vous pas dit que selon mes souhaits,
L'hymen de Polixène affermissoit la paix ?
ACHILLE
Je vous le dis encor, l'hymen de Polixène
Fait naître un heureux calme où régna trop de haine,
Mais lorsqu'en se donnant sa main a ce pouvoir,
C'est un autre que vous qui la doit recevoir.
PYRRHUS
Un autre ! non, Seigneur, je vous dois mieux connoître,
Vous voulez m'éprouver, voir tout mon feu paroître.
Souffririez-vous, hélas, que né pour commander,
Le fils du grand Achille eut l'affront de céder,
Qu'un insolent rival lui ravit ce qu'il aime ;
Ou plutôt si toujours votre cœur est le même,
Souffririez-vous qu'un fils chéri si tendrement,
D'une éternelle rage éprouvât le tourment,
Et qu'un sort effroyable assemblât pour ma peine
Tous les maux qui du Ciel puissent marquer la haine ?
Par ces tendres liens que le sang rend si doux,
Partout…
ACHILLE
Ma pitié, Prince, a combattu pour vous.
Mais en vain mes chagrins m'ont fait juger des vôtres,
Malgré vos intérêts j'en ai dû prendre d'autres,
Et doute qu'aisément on eut conclu la paix,
Sans l'hymen imprévu qui trompe vos souhaits.
PYRRHUS
Qui trompe mes souhaits ? Seigneur, jamais Hélène
N'a causé tant de maux qu'en fera Polixène.
Elle m'aime, et Priam se déclaroit pour moi,
Je n'examine point qui me vole sa foi,
Quel rival m'ose ôter sa main presque donnée,
Si c'est Agamemnon, Ajax, Idomenée ;
Mais soit Idomenée, Ajax, Agamemnon,
Le coup m'arrache l'âme, on m'en fera raison.
Oui, pour le prévenir, quoiqu'un lâche prétende,
Il n'est sang chez les Grecs que mon bras ne répande,
Ma vengeance peut-être y portera l'effroi.
ACHILLE
Prince, vous oubliez que vous parlez à moi.
Quoique put votre amour avoir de violence,
Vous deviez par respect le contraindre au silence,
De vos égarements prendre un autre témoin.
PYRRHUS
J'ai tort, et devant vous ma fureur va trop loin,
Mais pour me souvenir que vous m'avez fait naître,
Sais-je assez qui je suis, et puis-je me connoître ?
Je cède à la raison que je dois écouter,
La joie à vos genoux m'a fait d'abord jeter,
De l'ardeur de ma flamme elle étoit l'interprète,
C'est pour elle à présent que la douleur m'y jette.
Faites grâce aux transports d'un désespoir jaloux,
Et qui les doit, Seigneur, mieux excuser que vous ?
Briseis sous ses lois tient votre âme asservie.
Quand par Agamemnon elle vous fut ravie,
A quels sanglants effets votre amour outragé
N'osa-t-il pas porter l'ardeur d'être vengé ?
Ce que vous fit souffrir un feu si beau, si tendre,
N'en dit que trop pour moi si vous voulez l'entendre,
Et Briseis aimée étale en ma faveur
Tout ce qui peut m'aider à fléchir votre cœur.
Le mien pour Polixène à tel point s'intéresse,
Que si…
ACHILLE
Vous souffrirez, Prince, je le confesse,
Le revers est fâcheux, mais j'ai beau le savoir,
Ce que vous demandez n'est pas en mon pouvoir,
Ce seroit vous flatter qu'en garder l'espérance.
PYRRHUS
Et bien, Seigneur, ma vie est en votre puissance,
Vous pouvez me l'ôter, commandez, je suis prêt,
Mon respect sans murmure acceptera l'arrêt.
Pour qui voit tant de maux unis à le poursuivre,
Ce n'en sauroit être un que de cesser de vivre ;
Mais je vous le redis, à moins d'un prompt trépas,
Mon Rival, quel qu'il soit, doit redouter mon bras.
Fut-il environné de tout ce que la Grèce…
ACHILLE
C'est en croire un peu trop la douleur qui vous presse,
Mais d'un amour trompé je sais quels sont les droits,
Et veux bien en souffrir une seconde fois.
Cependant apprenez que contre votre audace
J'appuierai hautement le rival qu'on menace,
Et que si votre main s'apprête à le percer,
C'est par moi, par mon sang qu'il faudra commencer.
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