(Ariane, Nérine)
ARIANE
Ah, Nérine !
NÉRINE
Madame, après ce que je vois,
Je l'avoue, il n'est plus ni d'honneur, ni de foi.
Sur les plus saints devoirs l'Injustice l'emporte.
Que de chagrins !
ARIANE
Tu vois, ma douleur est si forte,
Que succombant aux maux qu'on me fait découvrir,
Je demeure insensible à force de souffrir.
Enfin d'un fol espoir je suis désabusée ;
Pour moi, pour mon amour, il n'est plus de Thésée.
Le temps au repentir auroit pu le forcer ;
Mais c'en est fait, Nérine, il n'y faut plus penser.
Hélas ! Qui l'auroit cru, quand son injuste flamme
Par l'ennui de le perdre accabloit tant mon âme,
Qu'en ce terrible excès de peine et de douleurs
Je ne connusse encor que mes : moindres malheurs ?
Une Rivale au moins pour soulager ma peine
M'offroit en la perdant de quoi plaire à ma haine.
Je promettois son sang à mes bouillants transports ;
Mais je trouve à briser les liens les plus forts,
Et quand dans une Soeur après ce noir outrage
Je découvre en tremblant la cause de ma rage,
Ma Rivale et mon Traître, aidés de mon erreur,
Triomphe par leur fuite, et brave ma fureur.
Nérine, entres-tu bien, lorsque le Ciel m'accable,
Dans tout ce qu'a mon sort d'affreux, d'épouvantable ?
La Rivale sur qui tombe cette fureur,
C'est à Phèdre, cette Phèdre à qui j'ouvrois mon cœur.
Quand je lui faisois voir ma peine sans égale,
Que j'en marquois l'horreur, c'étoit à ma Rivale.
La Perfide abusant de ma tendre amitié,
Montroit de ma disgrâce une fausse pitié,
Et jouissant des maux que j'aimois à lui peindre,
Elle en étoit la cause, et feignoit de me plaindre.
C'est là mon désespoir ; pour avoir trop parlé,
Je perds ce que déjà je tenois immolé ;
Je l'ai portée à fuir, et par mon imprudence
Moi-même je me suis dérobé ma vengeance.
Dérobé ma vengeance ! À quoi pensai-je ? Ah Dieux !
L'Ingrate ! On la verroit triompher à mes yeux !
C'est trop de patience en de si rudes peines.
Allons, partons, Nérine, et volons vers Athènes.
Mettons un prompt obstacle à ce qu'on lui promet ;
Elle n'est pas encor où son espoir la met.
Sa mort, sa seule mort, mais une mort cruelle…
NÉRINE
Calmez cette douleur, où vous emporte-t-elle ?
Madame, songez-vous que tous ces vains projets
Par l'éclat de vos cris s'entendent au Palais ?
ARIANE
Qu'importe que partout mes plaintes soient ouïes !
On connoît, on a vu des Amantes trahies,
À d'autres quelquefois on a manqué de foi,
Mais, Nérine, jamais il n'en fut comme moi.
Par cette tendre ardeur dont j'ai chéri Thésée,
Avais-je mérité de m'en voir méprisée ?
De tout ce que j'ai fait considère le fruit.
Quand je suis pour lui seul, c'est moi seule qu'il fuit.
Pour lui seul je dédaigne une Couronne offerte ;
En séduisant ma Soeur, il conspire ma perte.
De ma foi chaque jour ce sont gages nouveaux,
Je le comble de biens ; il m'accable de maux,
Et par une rigueur jusqu'au bout poursuivie,
Quand j'empêche sa mort, il m'arrache la vie.
Après l'indigne éclat d'un procédé si noir,
Je ne m'étonne plus qu'il craigne de me voir.
La honte qu'il en a lui fait fuir ma rencontre ;
Mais enfin à mes yeux il faudra qu'il se montre.
Nous verrons s'il tiendra contre ce qu'il me doit,
Mes larmes parleront ; c'en est fait, s'il les voit.
Ne les contraignons plus, et par cette foiblesse
De son cœur étonné surprenons la tendresse.
Ayant à mon amour immolé ma raison,
La peur d'en faire trop seroit hors de saison.
Plus d'égard à ma gloire ; approuvée, ou blâmée,
J'aurai tout fait pour moi, si je demeure aimée.
Mais à quel lâche espoir mon trouble me réduit ?
Si j'aime encor Thésée, oubliai-je qu'il fuit ?
Peut-être en ce moment aux pieds de ma Rivale
Il rit des vains projets où mon cœur se ravale.
Tous deux peut-être… Ah Ciel ! Nérine, empêche-moi
D'ouïr ce que j'entends, de voir ce que je vois.
Leur triomphe me tue, et toute possédée
De cette assassinante et trop funeste idée,
Quelques bras que contre eux ma haine puisse unir,
Je souffre plus encor qu'elle ne peut punir.
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