(Ariane, Phèdre, Nérine)
ARIANE
Ah, ma Soeur, savez-vous ce qu'on vient de m'apprendre ?
Vous avez cru Thésée un Héros tout parfoit,
Vous l'estimiez sans doute ; et qui ne l'eût pas fait ?
N'attendez plus de foi, plus d'honneur, tout chancelle,
Tout doit être suspect, Thésée est infidèle.
PHÈDRE
Quoi, Thésée…
ARIANE
Oui, ma Sœur, après ce qu'il me doit,
Me quitter est le prix que ma flamme en reçoit,
Il me trahit. Au point que sa foi violée
Doit avoir irrité mon âme désolée,
J'ai honte, en vous contant l'excès de mes malheurs,
Que mon ressentiment s'exhale par mes pleurs.
Son sang devroit payer la douleur qui me presse.
C'est là, ma Sœur, c'est là, sans pitié, sans tendresse,
Comme après un forfait si noir, si peu commun,
On traite les Ingrats, et Thésée en est un.
Mais quoi qu'à ma vengeance un fier dépit suggère,
Mon amour est encor plus fort que ma colère.
Ma main tremble, et malgré son parjure odieux,
Je vois toujours en lui ce que j'aime le mieux.
PHÈDRE
Un revers si cruel vous rend sans doute à plaindre ;
Et vous voyant souffrir ce qu'on n'a pas dû craindre,
On conçoit aisément jusqu'où le désespoir…
ARIANE
Ah, qu'on est éloigné de le bien concevoir !
Pour pénétrer l'horreur du tourment de mon âme,
Il faudroit qu'on sentît même ardeur, même flamme,
Qu'avec même tendresse on eût donné sa foi.
Et personne jamais n'a tant aimé que moi.
Se peut-il qu'un Héros d'une vertu sublime
Souille ainsi… Quelquefois le remords suit le crime.
Si le sien lui faisoit sentir ces durs combats…
Ma Soeur, au nom des Dieux, ne m'abandonnez pas.
Je sais que vous m'aimez, et vous le devez faire.
Vous m'avez dès l'enfance été toujours si chère,
Que cette inébranlable et fidèle amitié
Mérite bien de vous au moins quelque pitié.
Allez trouver… Hélas ! dirai-je mon Parjure ?
Peignez-lui bien l'excès du tourment que j'endure.
Prenez, pour l'arracher à son nouveau penchant,
Ce que les plus grands maux offrent de plus touchant.
Dites-lui qu'à son feu j'immolerois ma vie,
S'il pouvoit vivre heureux après m'avoir trahie,
D'un juste et long remords avancez-lui les coups.
Enfin, ma Sœur, enfin je n'espère qu'en vous.
Le Ciel m'inspira bien, quand par l'Amour séduite
Je vous fis malgré vous accompagner ma fuite.
Il semble que dès lors il me faisoit prévoir
Le funeste besoin que j'en devois avoir.
Sans vous, à mes malheurs où chercher du remède ?
PHÈDRE
Je vais mander Thésée, et si son cœur ne cède,
Madame, en lui parlant, vous devez présumer…
ARIANE
Hélas ! Et plût au Ciel que vous sussiez aimer,
Que vous pussiez savoir par votre expérience
Jusqu'où d'un fort amour s'étend la violence !
Pour émouvoir l'Ingrat, pour fléchir sa rigueur,
Vous trouveriez bien mieux le chemin de son cœur.
Vous auriez plus d'adresse à lui faire l'image
De mes confus transports de douleur et de rage ;
Tous les traits en seroient plus vivement tracés.
N'importe, essayez tout, parlez, priez, pressez.
Au défaut de l'Amour, puisqu'il n'a pu vous plaire,
Votre amitié pour moi fera ce qu'il faut faire.
Allez, ma Soeur, courez empêcher mon trépas.
Toi, viens, suis-moi, Nérine, et ne me quitte pas.
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