À madame de Montespan


L’apologue est un don qui vient des immortels ;
Ou, si c’est un présent des hommes,
Quiconque nous l’a fait mérite des autels :
Nous devons tous, tant que nous sommes,
Ériger en divinité
Le sage par qui fut ce bel art inventé.
C’est proprement un charme : il rend l’âme attentive,
Ou plutôt il la tient captive,
Nous attachant à des récits
Qui mènent à son gré les coeurs et les esprits.
Ô vous qui l’imitez, Olympe, si ma muse
À quelquefois pris place à la table des dieux,
Sur ces dons aujourd’hui daignez porter les yeux ;
Favorisez les jeux où mon esprit s’amuse !
Le Temps, qui détruit tout, respectant votre appui,
Me laissera franchir les ans dans cet ouvrage :
Tout auteur qui voudra vivre encore après lui
Doit s’acquérir votre suffrage.
C’est de vous que mes vers attendent tout leur prix :
Il n’est beauté dans nos écrits
Dont vous ne connaissiez jusques aux moindres traces.
Eh ! qui connaît que vous les beautés et les grâces !
Paroles et regards, tout est charmes dans vous.
Ma muse, en un sujet si doux,
Voudrait s’étendre davantage :
Mais il faut réserver à d’autres cet emploi ;
Et d’un plus grand maître que moi
Votre louange est le partage.
Olympe, c’est assez qu’à mon dernier ouvrage
Votre nom serve un jour de rempart et d’abri ;
Protégez désormais le livre favori
Par qui j’ose espérer une seconde vie :
Sous vos seuls auspices ces vers
Seront jugés, malgré l’envie,
Dignes des yeux de l’univers.
Je ne mérite pas une faveur si grande ;
La fable en son nom la demande :
Vous savez quel crédit ce mensonge a sur nous.
S’il procure à mes vers le bonheur de vous plaire,
Je croirai lui devoir un temple pour salaire :
Mais je ne veux bâtir des temples que pour vous.

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