ACTE II - Scène V


La Flèche (sans voir Frosine)
L'aventure est tout à fait drôle ! Il faut bien qu'il ait quelque part un ample magasin de hardes, car nous n'avons rien reconnu au mémoire que nous avons.

Frosine
Hé ! c'est toi, mon pauvre La Flèche : D'où vient cette rencontre ?

La Flèche
Ah ! ah ! c'est toi, Frosine : Que viens-tu faire ici ?

Frosine
Ce que je fais partout ailleurs : m'entremettre d'affaires, me rendre serviable aux gens, et profiter, du mieux qu'il m'est possible, des petits talents que je puis avoir. Tu sais que dans ce monde, il faut vivre d'adresse, et qu'aux personnes comme moi le ciel n'a donné d'autres rentes que l'intrigue et que l'industrie.

La Flèche
As-tu quelque négoce avec le patron du logis ?

Frosine
Oui, je traite pour lui quelque petite affaire dont j'espère récompense.

La Flèche
De lui ? Ah ! ma foi, tu seras bien fine si tu en tires quelque chose, et je te donne avis que l'argent céans est fort cher.

Frosine
Il y a de certains services qui touchent merveilleusement.

La Flèche
Je suis votre valet ; et tu ne connais pas encore le seigneur Harpagon. Le seigneur Harpagon est de tous les humains l'humain le moins humain, le mortel de tous les mortels le plus dur et le plus serré. Il n'est point de service qui pousse sa reconnaissance jusqu'à lui faire ouvrir les mains. De la louange, de l'estime, de la bienveillance en paroles, et de l'amitié, tant qu'il vous plaira ; mais de l'argent, point d'affaires. Il n'est rien de plus sec et de plus aride que ses bonnes grâces et ses caresses ; et "donner" est un mot pour qui il a tant d'aversion, qu'il ne dit jamais, "Je vous donne", mais "Je vous prête le bonjour".

Frosine
Mon Dieu ! je sais l'art de traire les hommes ; j'ai le secret de m'ouvrir leur tendresse, de chatouiller leurs cœurs, de trouver les endroits par où ils sont sensibles.

La Flèche
Bagatelles ici. Je te défie d'attendrir du côté de l'argent l'homme dont il est question. Il est Turc là-dessus, mais d'une turquerie à désespérer tout le monde ; et l'on pourrait crever, qu'il n'en branlerait pas. En un mot, il aime l'argent plus que réputation, qu'honneur, et que vertu ; et la vue d'un demandeur lui donne des convulsions c'est le frapper par son endroit mortel, c'est lui percer le cœur, c'est lui arracher les entrailles ; et si… Mais il revient je me retire.

Autres textes de Molière

Monsieur de Pourceaugnac

"Monsieur de Pourceaugnac" est une comédie de Molière, écrite en 1669. La pièce raconte l'histoire de Monsieur de Pourceaugnac, un provincial naïf et grossier, qui se rend à Paris pour...

Le Mariage forcé

Sganarelle (parlant à ceux qui sont dans sa maison.) Je suis de retour dans un moment. Que l'on ait bien soin du logis, et que tout aille comme il faut....

Mélicerte

(La scène est en Thessalie, dans la vallée de Tempé.) Acanthe Ah ! charmante Daphné ! Tyrène Trop aimable Eroxène. Daphné Acanthe, laisse-moi. Eroxène Ne me suis point, Tyrène. Acanthe...

L'Impromptu de Versailles

L'Impromptu de Versailles est une comédie de Molière écrite en 1663. La pièce se déroule à la cour du roi Louis XIV, où un groupe de courtisans s'amuse à jouer...

L'École des maris

L'école des maris est une comédie de Molière, un célèbre dramaturge français du XVIIe siècle. La pièce met en scène Argan, un homme riche et vaniteux qui cherche à marier...


Les auteurs


Les catégories

Médiawix © 2024