Le berger et la mer


Du rapport d’un troupeau, dont il vivait sans soins,
Se contenta longtemps un voisin d’Amphitrite.
Si sa fortune était petite,
Elle était sûre tout au moins.
À la fin, les trésors déchargés sur la plage
Le tentèrent si bien qu’il vendit son troupeau,
Trafiqua de l’argent, le mit entier sur l’eau
Cet argent périt par naufrage.
Son maître fut réduit à garder les brebis,
Non plus berger en chef comme il était jadis,
Quand ses propres moutons paissaient sur le rivage ;
Celui qui s’était vu Coridon ou Tircis,
Fut Pierrot, et rien davantage.
Au bout de quelque temps il fit quelques profits,
Racheta des bêtes à laine ;
Et comme un jour les vents, retenant leur haleine,
Laissaient paisiblement aborder les vaisseaux :
Vous voulez de l’argent, ô mesdames les Eaux !
Dit-il ; adressez-vous, je vous prie, à quelque autre :
Ma foi ! vous n’aurez pas le nôtre.
Ceci n’est pas un conte à plaisir inventé.
Je me sers de la vérité
Pour montrer, par expérience,
Qu’un sou, quand il est assuré,
Vaut mieux que cinq en espérance ;
Qu’il se faut contenter de sa condition ;
Qu’aux conseils de la mer et de l’ambition
Nous devons fermer les oreilles.
Pour un qui s’en louera, dix mille s’en plaindront.
La mer promet monts et merveilles ;
Fiez-vous-y ; les vents et les voleurs viendront.

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