(OTBERT, GUANHUMARA.)
GUANHUMARA(posant la main sur l'épaule d'Otbert,)
Es-tu content?
OTBERT(avec épouvante.)
Guanhumara !
GUANHUMARA
Tu vois, j'ai tenu ma promesse.
OTBERT
Je tiendrai mon serment.
GUANHUMARA
Sans pitié ?
OTBERT
Sans faiblesse.(À part.)
Après, je me tuerai.
GUANHUMARA
L'on t'attendra ce soir. À minuit.
OTBERT
Où ?
GUANHUMARA
Devant la tour du drapeau noir.
OTBERT
C'est un lieu redoutable, et personne n'y passe. On dit que le rocher garde une sombre trace…
GUANHUMARA
Une trace de sang, qui sur le mur descend D'une fenêtre au bord du torrent.
OTBERT(avec horreur.)
C'est du sang ! Tu le vois, le sang tache et brûle.
GUANHUMARA
Le sang lave Et désaltère.
OTBERT
Allons ! ordonne à ton esclave. Qui trouverai-je au lieu marqué ?
GUANHUMARA
Tu trouveras Un homme masqué, — seul.
OTBERT
Après ?
GUANHUMARA
Tu le suivras.
OTBERT
C'est dit.
(Guanhumara saisit vivement le poignard qu'Otbert porte à sa ceinture, le tire du fourreau, et fixe sur la lame un regard terrible, puis ses yeux se relèvent vers le ciel.)
GUANHUMARA
Ô vastes cieux ! ô profondeurs sacrées! Morne sérénité des voûtes azurées ! Ô nuit dont la tristesse a tant de majesté ! Toi qu'en mon long exil je n'ai jamais quitté, Vieil anneau de ma chaîne, ô compagnon fidèle, Je vous prends à témoin ; — et vous, murs, citadelle, Chênes qui versez l'ombre aux pas du voyageur, Vous m'entendez, — je voue à ce couteau vengeur Fosco, baron des bois, des rochers et des plaines, Sombre comme toi, nuit ; vieux comme vous, grands chênes !
OTBERT
Qu'est-ce que ce Fosco ?
GUANHUMARA
Celui qui doit mourir(Elle lui rend le poignard.)
De ta main. À ce soir.
(Elle sort par la galerie du fond sans voir Job et Régina, qui entrent du côté opposé.)
OTBERT(seul.)
Ciel !
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