(Blanche)
(Une grève déserte au bord de la Seine, au-dessous de Saint-Germain. – À droite, une masure misérablement meublée de grosses poteries et d'escabeaux de chêne, avec un premier étage en grenier où l'on distingue un grabat par la fenêtre. La devanture de cette masure tournée vers le spectateur est tellement à jour, qu'on en voit tout l'intérieur. Il y a une table, une cheminée, et au fond un roide escalier qui mène au grenier. Celle des faces de cette masure qui est à la gauche de l'acteur est percée d'une porte qui s'ouvre en dedans. Le mur est mal joint, troué de crevasses et de fentes, et il est facile de voir au travers ce qui se passe dans la maison. Il y a un judas grillé à la porte, qui est recouverte au dehors d'un auvent et surmontée d'une enseigne d'auberge. – Le reste du théâtre représente la grève. – À gauche, il y a un vieux parapet en ruine au bas duquel coule la Seine, et dans lequel est scellé le support de la cloche du bac. – Au fond, au delà de la rivière, le bois du Vésinet. À droite, un détour de la Seine laisse voir la colline de Saint-Germain avec la ville et le château dans l'éloignement.)
(TRIBOULET, BLANCHE, EN DEHORS; SALTABADIL, DANS LA MAISON.Pendant toute cette scène, Triboulet doit avoir l'air inquiet et préoccupé d'un homme qui craint d'être dérangé, vu et surpris. Il doit regarder souvent autour de lui, et surtout du côté de la masure. Saltabadil, assis dans l'auberge, près d'une table, s'occupe à fourbir son ceinturon, sans rien entendre de ce qui se passe à côté.)
TRIBOULET
Et tu l'aimes ?
BLANCHE
Toujours !
TRIBOULET
Je t'ai pourtant laissé Tout le temps de guérir cet amour insensé.
BLANCHE
Je l'aime.
TRIBOULET
Ô pauvre cœur de femme ! – Mais explique Tes raisons pour l'aimer.
BLANCHE
Je ne sais.
TRIBOULET
C'est unique ! C'est étrange !
BLANCHE
Oh ! non pas. C'est bien cela qui fait Justement que je l'aime. On rencontre en effet Des hommes quelquefois qui vous sauvent la vie, Des maris qui vous font riche et digne d'envie. – Les aime-t-on toujours ? – Lui ne m'a fait, je croi, Que du mal, et je l'aime, et j'ignore pourquoi. Tenez, c'est à ce point qu'il n'est rien que j'oublie, Et que, s'il le fallait, – voyez quelle folie ! – Lui qui m'est si fatal, vous qui m'êtes si doux, Mon père, je mourrais pour lui comme pour vous !
TRIBOULET
Je te pardonne, enfant !
BLANCHE
Mais, écoutez, il m'aime.
TRIBOULET
Non ! – Folle !
BLANCHE
Il me l'a dit ! il me l'a juré même ! Et puis il dit si bien, et d'un air si vainqueur, De ces choses d'amour qui vous prennent au cœur ! Et puis il a des yeux si doux pour une femme ! C'est un roi brave, illustre et beau !
TRIBOULET(éclatant.)
C'est un infâme ! Il ne sera pas dit, le lâche suborneur, Qu'il m'ait impunément arraché mon bonheur !
BLANCHE
Vous aviez pardonné, mon père…
TRIBOULET
Au sacrilège ! Il me fallait le temps de construire le piège. Voilà.
BLANCHE
Depuis un mois, – je vous parle en tremblant, – Vous avez l'air d'aimer le roi.
TRIBOULET
Je fais semblant. – Je te vengerai, Blanche !
BLANCHE(joignant les mains.)
Épargnez-moi, mon père !
TRIBOULET
Te viendrait-il du moins au cœur quelque colère S'il te trompait ?
BLANCHE
Lui ? non. Je ne crois pas cela.
TRIBOULET
Et si tu le voyais de ces yeux que voilà ? Dis, s'il ne t'aimait plus, tu l'aimerais encore ?
BLANCHE
Je ne sais pas. – Il m'aime, il me dit qu'il m'adore. Il me l'a dit hier.
TRIBOULET(amèrement.)
À quelle heure ?
BLANCHE
Hier soir.
TRIBOULET
Eh bien ! regarde donc, et vois si tu peux voir !
(Il désigne à Blanche une des crevasses du mur de la maison : elle regarde.)
BLANCHE(bas.)
Je ne vois rien qu'un homme.
TRIBOULET(baissant aussi la voix.)
Attends un peu.
(Le Roi, vêtu en simple officier, paraît dans la salle basse de l'hôtellerie. Il entre par une petite porte qui communique avec quelque chambre voisine.)
BLANCHE(tressaillant.)
Mon père !
(Pendant toute la scène qui suit, elle demeure collée à la crevasse du mur, regardant, écoutant tout ce qui se passe dans l'intérieur de la salle, inattentive à tout le reste, agitée par moments d'un tremblement convulsif.)
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