(Venise. Le cabinet de Strozzi. PHILIPPE, LORENZO TENANT UNE LETTRE.)
LORENZO
Voilà une lettre qui m'apprend que ma mère est morte. Venez donc faire un tour de promenade, Philippe.
PHILIPPE
Je vous en supplie, mon ami, ne tentez pas la destinée. Vous allez et venez continuellement, comme si cette proclamation de mort n'existait pas contre vous.
LORENZO
Au moment où j'allais tuer Clément VII, ma tête a été mise à prix à Rome. Il est naturel qu'elle le soit dans toute l'Italie, aujourd'hui que j'ai tué Alexandre. Si je sortais d'Italie, je serais bientôt sonné à son de trompe dans toute l'Europe, et à ma mort, le bon Dieu ne manquera pas de faire placarder ma condamnation éternelle dans tous les carrefours de l'immensité.
PHILIPPE
Votre gaieté est triste comme la nuit ; vous n'êtes pas changé, Lorenzo.
LORENZO
Non, en vérité, je porte les mêmes habits, je marche toujours sur mes jambes, et je bâille avec ma bouche ; il n'y a de changé en moi qu'une misère : c'est que je suis plus creux et plus vide qu'une statue de fer blanc.
PHILIPPE
Partons ensemble ; redevenez un homme. Vous avez beaucoup fait, mais vous êtes jeune.
LORENZO
Je suis plus vieux que le bisaïeul de Saturne ; je vous en prie, venez faire un tour de promenade.
PHILIPPE
Votre esprit se torture dans l'inaction ; c'est là votre malheur. Vous avez des travers, mon ami.
LORENZO
J'en conviens ; que les républicains n'aient rien fait à Florence, c'est là un grand travers de ma part. Qu'une centaine de jeunes étudiants, braves et déterminés, se soient fait massacrer en vain ; que Côme, un planteur de choux, ait été élu à l'unanimité, oh ! je l'avoue, je l'avoue, ce sont là des travers impardonnables, et qui me font le plus grand tort.
PHILIPPE
Ne raisonnons pas sur un événement qui n'est pas achevé. L'important est de sortir d'Italie ; vous n'avez pas encore fini sur la terre.
LORENZO
J'étais une machine à meurtre, mais à un meurtre seulement.
PHILIPPE
N'avez-vous pas été heureux autrement que par ce meurtre ? Quand vous ne devriez faire désormais qu'un honnête homme, pourquoi voudriez-vous mourir ?
LORENZO
Je ne puis que vous répéter mes propres paroles : Philippe, j'ai été honnête. Peut-être le redeviendrais-je sans l'ennui qui me prend. J'aime encore le vin et les femmes ; c'est assez, il est vrai, pour faire de moi un débauché, mais ce n'est pas assez pour me donner envie de l'être. Sortons, je vous en prie.
PHILIPPE
Tu te feras tuer dans toutes ces promenades.
LORENZO
Cela m'amuse de les voir. La récompense est si grosse qu'elle les rend presque courageux. Hier, un grand gaillard à jambes nues m'a suivi un gros quart d'heure au bord de l'eau, sans pouvoir se déterminer à m'assommer. Le pauvre homme portait une espèce de couteau long comme une broche ; il le regardait d'un air si penaud qu'il me faisait pitié ; c'était peut-être un père de famille qui mourait de faim.
PHILIPPE
Ô Lorenzo ! Lorenzo ! ton cœur est très malade ; c'était sans doute un honnête homme ; pourquoi attribuer à la lâcheté du peuple le respect pour les malheureux ?
LORENZO
Attribuez cela à ce qui vous voudrez. Je vais faire un tour au Rialto.
(Il sort.)
PHILIPPE(seul. )
Il faut que je le fasse suivre par quelqu'un de mes gens. Holà ! Jean ! Pippo ! holà !(Entre undomestique)
Prenez une épée, vous, et un autre de vos camarades, et tenez-vous à une distance convenable du seigneur Lorenzo, de manière à pouvoir le secourir si on l'attaque.
JEAN
Oui, monseigneur.
(Entre Pippo.)
PIPPO
Monseigneur, Lorenzo est mort. Un homme était caché derrière la porte, qui l'a frappé par derrière comme il sortait.
PHILIPPE
Courons vite ; il n'est peut-être que blessé.
PIPPO
Ne voyez-vous pas tout ce monde ? Le peuple s'est jeté sur lui. Dieu de miséricorde ! On le pousse dans la lagune.
PHILIPPE
Quelle horreur ! quelle horreur ! Eh ! quoi ! pas même un tombeau ?
(Il sort.)
Un caprice, comédie en un acte écrite par Alfred de Musset en 1837, explore les subtilités des sentiments et les jeux d’amour dans un cadre bourgeois. L’histoire met en scène...
On ne saurait penser à tout, comédie en un acte écrite par Alfred de Musset en 1849, explore les petites absurdités de la vie conjugale et les quiproquos liés aux...
On ne badine pas avec l’amour, drame en trois actes écrit par Alfred de Musset en 1834, raconte une histoire d'amour tragique où les jeux de séduction et de fierté...
Louison, comédie en un acte écrite par Alfred de Musset en 1849, met en scène une situation légère et pleine de malice autour des thèmes de l’amour, de la jalousie...
Les Caprices de Marianne, drame romantique en deux actes écrit par Alfred de Musset en 1833, explore les tourments de l'amour non partagé et les jeux de séduction dans la...