Lorenzaccio
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Acte IV - Scène 2

Alfred de Musset

Acte IV - Scène 2


(Une rue. PIERRE ET THOMAS STROZZI, SORTANT DE PRISON.)

PIERRE
J'étais bien sûr que les Huit me renverraient absous, et toi aussi. viens, frappons à notre porte, et allons embrasser notre père. Cela est singulier ; les volets sont fermés !

PORTIER(ouvrant. )
Hélas ! Seigneurs, vous savez les nouvelles.

PIERRE
Quelles nouvelles ? Tu as l'air d'un spectre qui sort d'un tombeau, à la porte de ce palais désert.

PORTIER
Est-il possible que vous ne sachiez rien ?
(Deux moines arrivent.)

THOMAS
Et que pourrions-nous savoir ? Nous sortons de prison. Parle ; qu'est-il arrivé ?

PORTIER
Hélas ! mes pauvres seigneurs ! cela est horrible à dire.

LES MOINES(s'approchant. )
Est-ce ici le palais des Strozzi ?

PORTIER
Oui ; que demandez-vous ?

LES MOINES
Nous venons chercher le corps de Louise Strozzi. Voilà l'autorisation de Philippe, afin que vous nous laissiez l'emporter.

PIERRE
Comment dites-vous ? Quel corps demandez-vous ?

LES MOINES
Eloignez-vous, mon enfant, vous portez sur votre visage la ressemblance de Philippe ; il n'y a rien de bon à apprendre ici pour vous

THOMAS
Comment ? elle est morte ? morte ? ô Dieu du ciel !
(Il s'asseoit à l'écart.)

PIERRE
Je suis plus ferme que vous ne pensez. Qui a tué ma sœur ? car on ne meurt pas à son âge dans l'espace d'une nuit, sans une cause surnaturelle. Qui l'a tuée, que je le tue ? Répondez-moi, ou vous êtes mort vous-même.

PORTIER
Hélas ! hélas ! qui peut le dire ? Personne n'en sait rien.

PIERRE
Où est mon père ? Viens, Thomas, point de larmes. Par le ciel ! mon cœur se serre comme s'il allait s'ossifier dans mes entrailles, et rester un rocher pour l'éternité.

LES MOINES
Si vous êtes le fils de Philippe, venez avec nous ; nous vous conduirons à lui ; il est depuis hier à notre couvent.

PIERRE
Et je ne saurai pas qui a tué ma sœur ? Ecoutez-moi, prêtres ; si vous êtes l'image de Dieu, vous pouvez recevoir un serment. Par tout ce qu'il y a d'instruments de supplice sous le ciel, par les tortures de l'enfer… Non, je ne veux pas dire un mot. Dépêchons-nous, que je voie mon père. Ô Dieu ! ô Dieu ! faites que ce que je soupçonne soit la vérité, afin que je les broie sous mes pieds comme des grains de sable. Venez, venez ; avant que je perde la force. Ne me dites pas un mot ; il s'agit là d'une vengeance, voyez-vous, telle que la colère céleste n'en a pas rêvé.
(Ils sortent.)


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