Le cheval et le loup


Un certain loup, dans la saison
Que les tièdes zéphyrs ont l’herbe rajeunie,
Et que les animaux quittent tous la maison
Pour s’en aller chercher leur vie ;
Un loup, dis-je, au sortir des rigueurs de l’hiver,
Aperçut un cheval qu’on avait mis au vert,
Je laisse à penser quelle joie.
Bonne chasse, dit-il, qui l’aurait à son croc !
Eh ! que n’es-tu mouton ! car tu me serais hoc ;
Au lieu qu’il faut ruser pour avoir cette proie.
Rusons donc. Ainsi dit, il vient à pas comptés ;
Se dit écolier d’Hippocrate ;
Qu’il connaît les vertus et les propriétés
De tous les simples de ces prés ;
Qu’il sait guérir, sans qu’il se flatte,
Toutes sortes de maux. Si don coursier voulait
Ne point céler sa maladie,
Lui loup, gratis, le guérirait ;
Car le voir en cette prairie
Paître ainsi sans être lié
Témoignait quelque mal, selon la médecine.
J’ai, dit la bête chevaline,
Une apostume sous le pied.
Mon fils, dit le docteur, il n’est point de partie
Susceptible de tant de maux.
J’ai l’honneur de servir nos seigneurs les chevaux,
Et fais aussi la chirurgie.
Mon galant ne songeait qu’à bien prendre son temps.
Afin de happer son malade.
L’autre, qui s’en doutait, lui lâche une ruade
Qui vous lui met en marmelade
Les mandibules et les dents.
C’est bien fait, dit le loup en soi-même, fort triste ;
Chacun à son métier doit toujours s’attacher,
Tu veux faire ici l’arboriste,
Et ne fus jamais que boucher.

Autres textes de Jean de La Fontaine

L'abbesse

L’exemple sert, l’exemple nuit aussi :Lequel des deux doit l’emporter icy,Ce n’est mon fait : l’un dira que l’AbbesseEn usa bien, l’autre au contraire mal,Selon les gens : bien ou...

Le Berceau

Non loin de Rome un Hostelier estoit,Sur le chemin qui conduit à Florence :Homme sans bruit, et qui ne se piquoitDe recevoir gens de grosse dépense :Mesme chez luy rarement...

Élégie aux nymphes de Vaux

Pour M. Fouquet. Remplissez l’air de cris en vos grottes profondes ;Pleurez, Nymphes de Vaux, faites croître vos ondes,Et que l’Anqueuil enflé ravage les trésorsDont les regards de Flore ont...

Adonis

A MONSEIGNEUR FOUCQUETMinistre d’Estat, Sur-Intendant des Finances, et Procureur Général au Parlement de ParisMONSEIGNEUR,Je n’ay pas assez de vanité pour esperer que ces fruits de ma solitude vous puissent plaire...

Livre XII des Fables de La Fontaine

Monseigneur,Je ne puis employer, pour mes fables, de protection qui me soit plus glorieuse que la vôtre. Ce goût exquis et ce jugement si solide que vous faites paraître dans...


Les auteurs


Les catégories

Médiawix © 2024