Eusèbe, Gladiator
Eusèbe (à part.)
Marquis !… Encore s'il m'avait donné les gants qu'il m'a promis !… Mais avec du chic et de l'élégance…
(Il s'adosse, à la cheminée, posant ses coudes sur la tablette et allongeant ses jambes.)
Gladiator (allant s'asseoir sur le guéridon pour lui faire face, et posant ses pieds sur la chaise.)
Il y a longtemps, monsieur le marquis, que vous fréquentez le sieur Gredane ?
Eusèbe
Mais depuis mon enfance. (Récitant sa leçon.)
Quel dentiste ! quel génie !… Il n'y a que lui ! il n'y a que lui !!!
Gladiator
Il arrache bien ?
Eusèbe
Ah ! on croit manger un bonbon !… Etiez-vous aux courses… hier ?…
(Il se redresse.)
Gladiator
Certainement ! j'aime le cheval… Et vous ?…
Eusèbe
Passionnément… Surtout les chevaux russes… je les préfère aux anglais…
Gladiator
Ah !… pourquoi ?…
Eusèbe
Ils supportent mieux le froid !… Pour l'été j'ai des chevaux du Sénégal ; ils supportent mieux le chaud !… Ma fortune me le permet.
Gladiator (à part.)
Il me va, cet homme-là… il est original. (Haut.)
Ce Gredane me paraît avoir une très belle clientèle.
Il descend de la table et, s'approchant d'Eusèbe, se met à cheval sur la chaise qu'il avait sous ses pieds.
Eusèbe
Gredane ! (Récitant sa leçon.)
Quel dentiste ! quel génie !… Il n'y a que lui ! il n'y que lui !!!
Gladiator (à part.)
Il se répète ! (Haut.)
On prétend qu'il a surtout une clientèle de femmes.
(Faisant tourner la chaise et s'asseyant sur le dossier.)
Eusèbe (se mettant à cheval sur une chaise, près de la cheminée.)
Oh ! je vous en réponds ! (À part.)
Soyons débauché. (Haut.)
Entre nous, c'est même pour cela que je suis ici !…
Gladiator
À l'affût… C'est comme moi ! Ah ! marquis, vous m'avez l'air d'un gaillard.
Eusèbe (avec fatuité.)
Vous savez, chacun a son petit laisser-aller !
Gladiator
Connaissez-vous la petite ?…
Eusèbe (vivement)
Je les connais toutes !
Gladiator
Attendez donc !… La petite Caoutchouc ?
Eusèbe
Parfaitement !… parfaitement !
Gladiator
Et Jus-de-Réglisse ?…
Eusèbe
Je ne connais que ça ! Jus-de-Réglisse ! Elle est libre… je lui ai envoyé ce matin vingt-cinq mille… avec deux mots : "Mon bébé, c'est fini !…" Ah ! moi, je ne m'envase pas longtemps avec les femmes !…
Gladiator (se levant et posant la chaise près du guéridon.)
Mais il y a une femme qui les éclipse toutes !
Eusèbe
Laquelle ?
Gladiator
Non ! vous ne la connaissez pas…
Eusèbe
Ça m'étonnerait bien… Dites toujours…
Gladiator
Suzanne de La Bondrée…
Eusèbe (se levant, et allant à Gladiator)
Hein ?… Suzanne ?…
Gladiator
Qu'avez-vous donc ?
Eusèbe
Rien !
Gladiator
Quelle femme adorable !… et une jambe !… J'en suis fou.
Eusèbe
Mais, moi aussi !…
Gladiator
Comment ! Nous sommes rivaux ?
Eusèbe
Seulement, moi, je vous préviens que c'est sérieux.
Gladiator
Ah ! mais je vous préviens que, moi aussi, j'en suis sérieusement épris !…
Eusèbe
Mais je ne suis pas homme à vous céder la place…
Gladiator
Alors, mon cher marquis, c'est entre nous une lutte acharnée… mais courtoise… Je vous jette le gant !
Eusèbe (à part.)
Et moi qui n'en ai pas ! (Haut, avec fierté.)
Je le ramasse… moralement !
(Il se dirige vers la cheminée.)
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
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(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...