Les Mêmes, Adolphe ; puis Juliette ; puis Agnès de Rosenval
Adolphe (paraissant au fond.)
On peut entrer ?
Suzanne
Ah ! c'est Adolphe, mon coiffeur. Dépêchez-vous de me coiffer, il faut que je sorte.
Juliette (paraissant au fond.)
Madame veut-elle recevoir mademoiselle Agnès de Rosenval ?
Suzanne
Mais certainement… une amie… (À Agnès qui paraît.)
Entre donc !
(Juliette sort.)
Agnès
Bonjour, Suzanne:…
Suzanne
Adolphe, un siège pour Madame.
Agnès
Déjà avec ton coiffeur ? (S'asseyant.)
Ah ! je suis rompue !
Suzanne
Qu'es-tu devenue depuis huit jours ?… On ne t'a pas vue…
Agnès
Ah ! ma chère, j'ai été la proie d'une suite de mésaventures… Si tu veux voir la femme qui n'a pas de chance, la voilà !
Suzanne
Ah ! mon Dieu ! qu'est-il arrivé ?
Agnès
Lundi, j'achète un cheval bai, pour l'appareiller avec le mien… mardi, il pleut, voilà mon cheval qui déteint ! il devient gris pommelé !
Suzanne
Tu l'avais payé ?
Agnès (naturellement)
Ah ! non ! Mercredi ; je fais la connaissance d'un jeune homme… très bien… un prince russe… et, jeudi, il se trouve que c'est un Polonais !
Jean (riant)
Ah ! un Polonais ! ce n'est pas de chance !
Agnès (apercevant Jean)
Qu'est-ce que c'est que ça ?
(Elle se lève.)
Suzanne (qui s'est levée.)
C'est juste… (Désignant Jean)
Ma chère amie… je te présente le commandeur Jean des Arcis, mon oncle.
Jean (saluant)
Madame…
(Il se rassied.)
Agnès
Eh bien, et l'autre ?
Suzanne
Je l'ai envoyé en province gérer une de mes propriétés… (À Adolphe:)
Prenez donc garde ! vous me tirez les cheveux !
Adolphe
Pardon… je ne croyais pas que c'était à Madame…
Agnès (prenant un flacon sur le guéridon.)
Lait des Sultanes… qu'est-ce que c'est que ça ?
Suzanne
Oh ! ma chère, une eau merveilleuse pour donner du lustre à la peau.
Agnès
Ah ! mais j'en veux ! Où trouve-t-on ça ?
Suzanne
Je n'en sais rien… mais j'ai la recette.
Agnès (s'asseyant à côté du guéridon.)
Donne, je vais la copier.
Suzanne (à Jean)
Commandeur !
Jean (passant derrière le guéridon.)
Chère amie !
Suzanne
Dictez donc cette recette à Madame !…
(Agnès se met à écrire.)
Jean
Avec plaisir. (Il ouvre l'enveloppe et lit.)
Air de la Famille de l'apothicaire…
Tous (étonné.)
:.
Hein ?
Jean (lisant)
La fièvre brûle un cœur qui n'a
Plus qu'un espoir pour qu'on le sauve !
Que vos yeux soient son quinquina,
Votre bonté sa fleur de mauve !
Suzanne
Assez !
Agnès (riant et allant à Suzanne)
Ah ! c'est charmant !… tu as fait la conquête d'un pharmacien !
Jean (riant aussi.)
C'est adorable !
Suzanne (se levant et passant dépitée.)
Je ne vois rien de comique là-dedans. (À Jean:)
Mon oncle, vous passerez ce soir chez M. Bigouret pour retirer ma recette à laquelle je tiens beaucoup… et vous lui remettrez les inconvenances de son commis.
Jean
Soyez tranquille… je serai énergique… et pas moelleux !
(Il va s'asseoir dans un fauteuil près de la cheminée.)
Agnès
Voyons, calme-toi… je n'en parlerai à personne… Qu'est-ce que nous ferons ce soir ?
(Elle s'assoit sur le pouf.)
Suzanne (s'asseyant sur la chaise à droite du guéridon.)
Je ne sais pas… (Prenant un journal.)
Voyons les théâtres… Français : Zaïre. Opéra-Comique : la Dame blanche…
Jean
Est-ce une première ?
Agnès
Ah ! non !…
Suzanne
Au Châtelet, on donne le Trou de la Mort, drame en cinq actes et trois ballets.
Agnès
Ça doit être gentil !
Suzanne (qui parcourt toujours le journal, poussant un cri.)
Ah !
Agnès
Quoi donc ?
Suzanne (lisant)
:.
"Il vient de descendre au Grand-Hôtel un Américain, sir Gladiator, dont la fortune s'élève, dit-on, à plus de trente millions…"
Agnès (se levant brusquement.)
Trente millions !… Mazette !
Suzanne (à part.)
Tiens, ça lui fait de l'effet ! (Continuant à lire.)
"Cet Américain a fait don au Jardin… d'Acclimatation… d'un éléphant, qu'il va régulièrement visiter tous les jours, à midi…"
Agnès (à part, tirant vivement sa montre.)
Onze heures et demie ! (Haut.)
Je te quitte, chère amie, une affaire pressée… Adieu, au revoir ! (À part.)
Je crois que la chance me revient !
(Elle sort vivement par le fond.)
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...