Le Point de mire
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ACTE IV - SCÈNE V

Eugène Labiche

ACTE IV - SCÈNE V


DUPLAN, EDGARD; puis LE JARDINIER.

EDGARD(paraissant au fond, à la cantonade.)
Donnez-lui deux litres d'avoine… ça suffit!

DUPLAN
Monsieur Edgard!

EDGARD
Bonjour, cher monsieur Duplan.

DUPLAN
Qu'est-ce qui me procure l'honneur?…

EDGARD
J'espérais trouver Maurice… on m'apprend qu'il vient de repartir pour Paris…

DUPLAN
Il ne tardera pas à revenir… si vous voulez l'attendre… en fumant un cigare.

EDGARD
Au fait, vous pouvez me donner le renseignement que je venais lui demander…

DUPLAN(le faisant asseoir près des rosiers.)
Asseyez-vous!… et fumez… ne vous gênez pas!

EDGARD
Non merci…

DUPLAN
Pourquoi?… (Allumant une allumette.)
Tenez, voilà du feu…

EDGARD
Vous êtes trop bon… mais aujourd'hui, j'ai l'estomac fatigué…
(Il se lève.)

DUPLAN(à part.)
Il faudra que je fasse venir quelqu'un de la caserne.

EDGARD
Monsieur, c'est une démarche toute de courtoisie que je viens faire auprès de vous… je sais qu'on ne s'adresse pas en vain à votre franchise et à votre loyauté…

DUPLAN(saluant.)
Monsieur… (A part.)
Qu'est-ce qu'il me veut?…

EDGARD
Je me suis bien rendu compte de l'état de mon cœur… et je ne vous le cache pas, j'aime ces demoiselles…

DUPLAN
Lesquelles?

EDGARD
Berthe et Lucie…

DUPLAN
Comment!… toutes les deux?

EDGARD
Cela vous étonne?…

DUPLAN
Oh! non! (A part.)
Absolument comme Maurice!…

EDGARD
Et je désire en épouser une… n'importe laquelle…

DUPLAN
Ah! permettez, mon fils…

EDGARD
Je sais qu'il est en pourparlers avec une des deux familles… et comme il m'est parfaitement indifférent d'épouser l'une ou l'autre de ces demoiselles… je viens vous prier de me dire, cher monsieur, laquelle il a choisie… afin de demander la vacante.

DUPLAN(embarrassé.)
Laquelle?… vous me demandez laquelle?

EDGARD
Je vous répète que je fais appel à votre franchise et à votre loyauté.

DUPLAN
J'entends bien… mais c'est que je n'en sais rien du tout.

EDGARD
Comment! vous ne savez pas qui votre fils épouse? vous! le père!

DUPLAN
Ma foi, non !

EDGARD
C'est colossal!

DUPLAN
Je ne vous en remercie pas moins de la démarche…

EDGARD
Toute de courtoisie…

DUPLAN
Toute de courtoisie!… que vous voulez bien faire; mais, dans ce moment, je ne puis vous dire qu'une chose : attendez le train de trois heures !

EDGARD(étonné.)
Pourquoi le train de trois heures?

LE JARDINIER(entrant.)
Monsieur… il y a un monsieur, une dame et une demoiselle qui vous demandent…

DUPLAN(à part.)
Ah! mon Dieu! ce sont eux! mais lesquels?… les Pérugin ou les Carbonel?…que leur dire?… Enfin!… faites entrer!

EDGARD
Vous êtes en affaires?…

DUPLAN
Oui… une visite… très gênante…

EDGARD(que DUPLAN reconduit vers la gauche.)
Je vous laisse… Nous reprendrons cette conversation! (Les CARBONEL paraissent au fond.)

DUPLAN(à part.)
Les Carbonel!

EDGARD(à part, les apercevant.)
Eux!… je veux savoir à quoi m'en tenir. (Il se cache derrière un gradin.)


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