MADAME CESENAS; puis DUPLAN et MAURICE; puis BERTHE et JULES.
MADAME CESENAS
Pauvre femme!… Elle a tort de s'inquiéter. Berthe est charmante ce soir, et, pour peu que M. Maurice ait du goût… (Le voyant entrer de la gauche avec DUPLAN.)
Ah! voici M. Duplan.
DUPLAN et MAURICE
(saluant. )
Madame…
DUPLAN
Permettez-moi de vous présenter mon fils.
MADAME CESENAS
Monsieur… (A part.)
Il est bien!
MAURICE
J'ai à vous remercier, madame, de l'invitation que vous avez bien voulu me faire l'honneur de m'adresser…
MADAME CESENAS
Je devrais vous gronder, car vous êtes en retard…
DUPLAN
C'est la cravate de Maurice…
MADAME CESENAS(confidentiellement.)
Elle est arrivée… elle danse… restez là… (De la porte.)
Restez là!
(Elle entre dans le bal.)
MAURICE(étonné.)
Qui est-ce qui est arrivé ?… qui est-ce qui danse?
DUPLAN
Une demoiselle charmante… La fille de la belle madame Carbonel.
MAURICE
Eh bien, après? qu'est-ce que ça me fait? je ne la connais pas.
DUPLAN
Non, mais tu vas la connaître… un ange, mon ami, un ange! je n'ai pas voulu t'en parler avant de partir, parce que tu aurais refusé de venir au bal… il s'agit d'une entrevue.
MAURICE
Une entrevue?… vous voulez me marier?… Oh! papa, qu'est-ce que je vous ai fait? M'empailler à vingt-sept ans!
DUPLAN
Je ne veux pas t'empailler… Je veux seulement t'empêcher de faire des sottises…
MAURICE
Quelles sottises?…
DUPLAN
Mon ami, tu es un charmant garçon; tu es bon, généreux, sobre, instruit.
MAURICE
Amadouez-moi… je vous vois venir…
DUPLAN
Mais tu as un défaut… tu es faible, irrésolu… tu te laisses dominer par ceux qui t'entourent… je ne t'en veux pas… je suis de même…
MAURICE
Moi? ce matin encore, j'ai flanqué mon domestique à la porte… il s'était mis dans mes bottes!
DUPLAN
Oui, avec les hommes, ça va encore… mais avec les femmes!
MAURICE
Ah! les femmes!… elles sont si gentilles.
DUPLAN
Certainement, elles sont gentilles… du moins, elles étaient gentilles… mais, contre elles, tu n'as pas de défense… Le premier minois chiffonné qui se présente… te voilà pris! tu tiens de ton père… autrefois…
MAURICE
Oh! vous exagérez…
DUPLAN
Je n'en veux pour preuve que ton voyage en Italie… tu étais parti pour six semaines et tu es resté onze mois… Tu devais me rapporter des roses, et tu ne m'as rapporté que des mèches de cheveux…
MAURICE
J'avoue que j'ai perdu un peu de temps à Florence… mais si vous aviez vu la chevelure de Barbara…
DUPLAN
Qu'est-ce que ça me fait, Barbara? (Avec curiosité.)
Elle était donc bien belle, sa chevelure?
MAURICE
Deux ruisseaux d'ébène qui descendaient jusqu'à terre!
DUPLAN(avec admiration.)
Oh!… oh!… allons, passe pour Barbara!… Mais à Venise! qu'as-tu fait à Venise? impossible de te faire décamper!
MAURICE
Ah! si vous connaissiez Zirzina!
DUPLAN
Allons!… Zirzina maintenant!
MAURICE
Quelle taille! quelle cambrure!… la souplesse du serpent, la rigidité du marbre ! et ses yeux, moitié velours, moitié feu!
DUPLAN(avec admiration.)
Oh! oh! (A part.)
Et dire que je n'ai jamais vu l'Italie!… voilà ce que c'est que de s'acoquiner à Courbevoie !
MAURICE
Ce n'était qu'une marchande de fleurs… Mais il y avait du sang des doges chez cette femme-là!
DUPLAN
C'est possible… Mais, à Paris, le sang des doges est extrêmement rare… et, comme avec ton caractère tu finirais par me donner pour belle-fille quelque cabrioleuse de ton choix, je me suis occupé moi-même de te trouver une femme… elle ne descend pas des doges… je ne pense pas que Carbonel élève cette prétention… elle appartient à une excellente famille bourgeoise.
MAURICE
Est-elle jolie?
DUPLAN
Exceptionnellement jolie!
MAURICE
Ah!
DUPLAN
Ça te fait sourire, drôle!
MAURICE
Un mot… Est-elle brune ou blonde?
DUPLAN
Adorable blonde!
MAURICE
Voilà une chance ! il y a très longtemps que je n'ai aimé de blondes… depuis un an, la veine est aux brunes.
DUPLAN
Mais, cette fois, c'est sérieux… il ne s'agit pas de coqueter, il s'agit d'épouser.
MAURICE
C'est convenu… mais je demande à voir. (BERTHE, valsant avec Jules, traverse le salon du fond de droite à gauche. Les apercevant.)
Tiens! Jules Priés!… bonjour!… (Voyant BERTHE à son père.)
Oh! la ravissante personne! l'éblouissante beauté!
(Il suit BERTHE du regard, jusqu'à ce qu'elle disparaisse.)
DUPLAN
Eh bien, mon ami, c'est elle…
MAURICE
Comment?
DUPLAN
Voilà comme je les choisis!
MAURICE
Mon compliment!… vous vous y connaissez encore en jolies femmes.
DUPLAN
L'habitude de cultiver les roses… (Riant.)
Eh! eh! eh! Chut! les parents!
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...