CARBONEL,MADAME CARBONEL,MADAME PERUGIN; puis LE CHASSEUR.
CARBONEL
Est-elle heureuse, cette madame Césénas ! en voilà une qui a eu de la chance.
MADAME PERUGIN
Pourquoi?
CARBONEL
Quand je pense que son père… le père Durand, venait tous les matins avec ses échantillons m'offrir ses rhums et ses eaux-de-vie.
MADAME PERUGIN
Ah! il faisait la commission?
CARBONEL
Parfaitement, et à pied ! Il était sur le point de marier sa fille à un commissairepriseur… lorsque M. Césénas parut avec son million, il en devint épris et, ma foi!… hein! quel rêve!
MADAME CARBONEL
Quoi?
CARBONEL
Un million!
MADAME PERUGIN
Quant à moi, je ne voudrais pas faire faire à ma fille un mariage aussi disproportionné.
MADAME CARBONEL
Ni moi!
CARBONEL
Oui, connu! les millions sont trop verts.
MADAME CARBONEL
Moi, j'appelle ça vendre son enfant!
CARBONEL
Puisqu'elle est heureuse!
(Il remonte.)
MADAME PERUGIN
Le bonheur, à ce prix-là, je n'en voudrais pas pour ma fille.
MADAME CARBONEL(lui prenant la main.)
Ah! nous sommes des mères, nous… nous nous comprenons.
MADAME PERUGIN
Oh! oui!… j'étais venue pour vous faire une confidence… vous êtes nos meilleurs amis… Il est question d'un parti pour Lucie.
CARBONEL(avançant des sièges et s'asseyant près d'elle.)
Ah bah! contez-nous donc ça?
MADAME PERUGIN
Ce n'est encore qu'à l'état de projet… il s'agit d'un jeune architecte, M.Jules Priés…
MADAME CARBONEL
Je l'ai vu chez vous… il est fort bien.
MADAME PERUGIN
Il a une clientèle… et deux cent mille francs… C'est ce que nous donnons à Lucie.
CARBONEL
Et nous à Berthe.
MADAME PERUGIN
Ma fille semble ne pas le voir avec déplaisir… moi, je ne suis pas ambitieuse… ce que je désire… c'est le bonheur de mon enfant!
MADAME CARBONEL(à son mari.)
Cela vaut mieux qu'un million, monsieur!
CARBONEL
Quand on peut avoir les deux!
MADAME CARBONEL
Quand donc les hommes cesseront-ils de sacrifier au veau d'or!… je ne demande pas plus pour Berthe… un bon jeune homme… dans les deux cent mille francs.
CARBONEL
Deux cents et quelques…
LE CHASSEUR(paraissant au fond avec un grand carton.)
Madame…
CARBONEL(se levant.)
Ah! très bien… C'est le mantelet. (Il le prend des mains du chasseur, le met sur le guéridon, et, s'approchant des dames, bas.)
Dites donc, faut-il lui donner quelque chose?
MADAME PERUGIN
Dame!… je ne sais pas!
MADAME CARBONEL
Je crois que ce n'est pas l'usage.
CARBONEL
Un beau monsieur comme cela… on ne peut pas lui offrir moins de cinq francs, et c'est trop! (Haut au chasseur.)
Mon ami, ces dames vous remercient infiniment… infiniment. (Il reconduit LE CHASSEUR, qui sort en le saluant.)
MADAME PERUGIN(se levant.)
Je passe dans votre chambre avec ce carton… je découperai le patron en vous attendant.
MADAME CARBONEL
Oui, je vous rejoins dans l'instant. (Madame PERUGIN entre à droite.)
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...