LES MEMES, moins LUCIE.
MADAME PERUGIN(assise sur le canapé.)
Voyons, avez-vous déjà reçu beaucoup de visites pour votre jour d'inauguration?
CARBONEL(derrière le canapé.)
Vous êtes les premiers… nous n'avons vu absolument personne. (Indiquant DUPLAN, qui est assis à l'écart.)
Que monsieur… (Le présentant.)
M.Duplan, de Courbevoie. (Il s'assied près de sa femme, tournant le dos à DUPLAN.)
DUPLAN(s'inclinant.)
Madame… monsieur…
MADAME PERUGIN(bas à MADAME CARBONEL qui s'est assise sur le canapé.)
Il est sans façon… Il fait ses visites en paletot!…
MADAME CARBONEL(bas.)
C'est un homme de la campagne, il va s'en aller!…
PERUGIN(qui, depuis quelque temps, s'est frotté les yeux.)
Mon cher, votre cheminée fume.
CARBONEL(se levant.)
Attendez… je vais ouvrir la fenêtre. (Il l'ouvre.)
Là… maintenant, ça ne fumera pas.
(Il va se rasseoir.)
DUPLAN
Alors, je vous demanderai la permission de mettre mon chapeau.
(Il se couvre.)
PERUGIN
Pourquoi ne faites-vous pas comme moi? J'avais une cheminée qui fumait…
DUPLAN
Monsieur a fait poser un petit moulin?…
PERUGIN
Non… j'ai fait construire une espèce de ventilateur à soupape… avec cinq tuyaux, j'en suis très content.
DUPLAN
Et ça coûte?…
PERUGIN
Soixante-cinq francs tout posé.
DUPLAN(se levant.)
Eh bien, moi, monsieur, à Courbevoie, pour vingt-sept francs…
MADAME CARBONEL
C'est bien… laissons cela. (A MADAME PERUGIN.)
Chère amie, que vous êtes donc bonne d'être venue me voir!…
MADAME PERUGIN
J'ai reçu votre carte… et je me serais bien gardée de manquer à votre invitation; nous, nous allons prendre le lundi!… c'est un jour distingué…
CARBONEL
Distingué! pas plus que le mercredi…
MADAME PERUGIN
Oh! certainement!… seulement, le lundi… c'est plus… à la mode…
PERUGIN
C'est le jour où les ministres reçoivent.
CARBONEL(à part.)
Très bien! nous le prendrons.
(Il se passe un temps sans parler, DUPLAN se mouche avec fracas.)
MADAME CARBONEL
Chère amie… que vous êtes donc bonne d'être venue me voir!
DUPLAN(à part.)
Elle l'a déjà dit!
MADAME PERUGIN
Nous avons pris une voiture à l'heure… il fait un temps épouvantable.
MADAME CARBONEL
Oh! épouvantable!
PERUGIN
Épouvantable!
CARBONEL
É-pou-van-ta-ble !
DUPLAN(à part.)
Si c'est pour se dire cela qu'ils prennent un jour!
MADAME PERUGIN
Quel hiver!
CARBONEL
Affreux!
PERUGIN
Du vent, de la pluie, de la neige…
CARBONEL
De la neige, de la pluie, du vent!
DUPLAN(à part.)
Ah çà ! est-ce qu'ils ne vont pas s'en aller?… (Un silence; DUPLAN se mouche.)
MADAME CARBONEL(bas à son mari.)
Dites donc quelque chose… vous me laissez faire tous les frais!…
CARBONEL(bas.)
Oui. (Haut.)
Qu'est-ce que fait la rente?…
PERUGIN
Je crois que ça baissotte!
CARBONEL(trouvant une idée.)
Ah!
TOUS
Quoi?
CARBONEL
Connaissez-vous l'accident du chemin de fer de Rennes?
PERUGIN et MADAME PERUGIN
Non!
CARBONEL
Un accident terrible ! (A part.)
Quelle chance!
MADAME PERUGIN
Combien de blessés?
CARBONEL
Personne… Un convoi de marchandises… chargé de beurre de Bretagne… la machine a mis le feu aux wagons… le beurre s'est enflammé… dans la nuit sombre… et le convoi, semblable à un météore… répandait sur sa route des torrents de lampions…
MADAME PERUGIN
Ça devait être magnifique.
PERUGIN
Oui; mais, au lieu de beurre, supposez des voyageurs.
JOSEPHINE(paraissant et annonçant.)
Monsieur et Madame Césénas! (Tous se lèvent.)
TOUS
Les Césénas!
CARBONEL(courant à la fenêtre.)
Ils sont venus avec leur voiture.
MADAME CARBONEL
Quel bonheur!
CARBONEL
Quel honneur! ( A DUPLAN.)
Otez donc votre chapeau.
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Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
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