Le Point de mire
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ACTE III - SCÈNE VIII

Eugène Labiche

ACTE III - SCÈNE VIII


PERUGIN, MADAME PERUGIN, DUPLAN; puis JULES.

PERUGIN
Si M. Duplan veut accepter un verre de sirop… ou de bière?

DUPLAN
Merci; je ne prends jamais rien entre mes repas… (A part.)
Il m'embarrasse avec ses demandes… je ne sais par où commencer. (Haut.)
Vous avez une fille charmante, madame.

PERUGIN
Ce n'est pas pour me vanter, mais tout le monde dit qu'elle a une tête de Murillo.

MADAME PERUGIN
Elle est encore bien enfant.

DUPLAN
Quel âge a-t-elle?

PERUGIN
Vingt ans… bientôt.

DUPLAN
Eh bien, mais voilà le moment de songer à son établissement. (A part.)
J'ai trouvé un biais. (Haut.)
Et s'il était dans vos intentions de la marier… je pourrais peut-être vous proposer…

JULES(entrant par le fond.)
Je viens de planter les piquets; demain, nous commencerons les travaux… Ah! monsieur Duplan.
(Il lui serre la main.)

PERUGIN(à part.)
L'architecte!

MADAME PERUGIN(bas à son mari.)
Si Maurice le voit… tout est perdu !

PERUGIN(bas.)
Il faut le cacher! attends! (Haut à JULES.)
Mon ami… j'ai réfléchi… au lieu d'un kiosque ordinaire, je voudrais un kiosque chinois.

JULES
Ah diable! ça va modifier mon plan.

PERUGIN
Entrez là, dans mon cabinet… Personne ne vous dérangera.
(Il le pousse à gauche.)

JULES
Un kiosque chinois!

PERUGIN(le faisant entrer.)
Oui… avec des clochettes… (JULES disparaît.)
C'est fait!

MADAME PERUGIN(bas.)
Très bien! (Haut.)
Que disions-nous donc quand ce jeune homme est entré?

DUPLAN
Nous parlions mariage… et je songeais à un parti pour mademoiselle Lucie.

MADAME PERUGIN
Un parti…

DUPLAN
Tenez… avec vous… je n'irai pas par quatre chemins… il s'agit de Maurice. Il a vu votre fille… elle lui plaît… et j'ai l'honneur de vous demander sa main.

PERUGIN(bondissant de joie.)
Ah!

MADAME PERUGIN(bas.)
Du calme !

DUPLAN
La fortune de Maurice…

MADAME PERUGIN(l'arrêtant.)
Nous ne voulons pas la connaître!…

PERUGIN
C'est inutile.

DUPLAN
Ah ! (A part.)
Ils sont très larges !

MADAME PERUGIN
Cher monsieur Duplan, votre demande nous flatte.

PERUGIN
Autant qu'elle nous honore… et je puis vous dire avec toute l'effusion de mon cœur…

MADAME PERUGIN(bas à son mari.)
Pas si vite! (Haut à DUPLAN.)
Nous vous demanderons quelques minutes avant de vous faire connaître notre réponse.

PERUGIN(étonné, à part.)
Tiens !

MADAME PERUGIN
J'ai besoin de consulter mon mari… qui est le maître ici.

PERUGIN(se rengorgeant.)
C'est vrai!

MADAME PERUGIN
Je dois aussi consulter ma fille… car pour rien au monde… je ne voudrais violenter les inclinations de mon enfant.

DUPLAN
C'est trop juste… Elle est là… voulez-vous me permettre de vous l'envoyer?

PERUGIN
Ah! c'est trop de bonté.

DUPLAN(à part, près de la porte.)
Que dira la belle madame Carbonel?
(Il disparaît à droite.)


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