(LE ROI , LA REINE , MINUCCIO , SER VESPASIANO , PLUSIEURS D EMOISELLES , PAGES , ETC . Perillo, en sortant, rencontre Minuccio et échange quelques mots avec lui.)
LE ROI
Qui vient là-bas ? N'est-ce pas Minuccio, avec ce troupeau de petites filles ?
LA REINE
C'est lui-même, et ce sont mes caméristes qui le tourmentent sans doute pour le faire chanter. Oh ! je vous en conjure, appelez-le ! je l'aime tant ! personne à la cour ne me plaît autant que lui ; il fait de si jolies chansons !
LE ROI
Je l'aime aussi, mais avec moins d'ardeur. — Holà ! Minuccio, approche, approche, et qu'on apporte une coupe de vin de Chypre afin de le mettre en haleine. Il nous dira quelque chose de sa façon.
MINUCCIO(à Vespasiano.)
Retirez-vous, le roi m'a appelé.
SER VESPASIANO
Bon, bon, la reine m'a fait signe.
(Un valet apporte un flacon de vin ; l'officier remet en même temps un papier au roi, qui le lit à l'écart.)
LA REINE
Eh bien ! petites indiscrètes, petites bavardes, vous voilà encore, selon votre habitude, importunant ce pauvre Minuccio !
PREMIÈRE DEMOISELLE
Nous voulons qu'il nous dise une romance.
DEUXIÈME DEMOISELLE
Et des tensons.
TROISIÈME DEMOISELLE
Et des jeux-partis.
LA REINE(à Minuccio.)
Sais-tu que j'ai à me plaindre de toi ? On te voit paraître quand le roi arrive, mais dès que je suis seule, tu ne te montres plus.
SER VESPASIANO(s'avançant.)
Votre Majesté est dans une grande erreur. Il ne se passe point de jour qu'on ne me voie en ce palais.
LA REINE
Bonjour, Vespasiano, bonjour.
MINUCCIO(à part.)
Que va-t-il devenir maintenant ? Il est soldat, il faut qu'il parte.
LE ROI(lisant d'un air distrait, et s'adressant à Minuccio.)
Je suis bien aise de te voir. Tu vas me conter les nouvelles. Allons, bois un verre de vin.
SER VESPASIANO(buvant.)
Votre Majesté a bien de la bonté. Mon mariage n'est point encore fait.
LE ROI
C'est toi, Vespasiano ? Eh bien ! un autre jour.
SER VESPASIANO
Certainement, Sire, certainement.(Aux demoiselles.)
Qu'avez-vous à rire, vous autres ?
PREMIÈRE DEMOISELLE
Ah ! vous autres !
SER VESPASIANO
Oui, vous et les autres. Le roi m'interroge, et je réponds. Qu'y a-t-il là de si plaisant ?
DEUXIÈME DEMOISELLE
Beau sire chevalier, comment se porte votre cheval, depuis que nous ne vous avons vu ?
TROISIÈME DEMOISELLE
Nous avons eu grand'peur pour lui.
PREMIÈRE DEMOISELLE
Et votre casque ?
DEUXIÈME DEMOISELLE
Et votre lance ?
TROISIÈME DEMOISELLE
Les avez-vous fait rajuster ?
SER VESPASIANO
Je ne fais point de cas des railleries des femmes.
PREMIÈRE DEMOISELLE
Nous vous interrogeons, répondez ; sinon, nous dirons que vous n'êtes pas plus habile à repartir un mot de courtoisie…
SER VESPASIANO
Eh bien ?
DEUXIÈME DEMOISELLE
Qu'à parer une lance courtoise.
SER VESPASIANO(à part.)
Petites perruches mal apprises !
LA REINE
Minuccio est si préoccupé qu'il n'entend pas ce qu'on dit près de lui.
MINUCCIO
Il est vrai, madame, et j'en demande très humblement pardon à Votre Majesté. Je ne saurais penser depuis hier qu'à cette pauvre fille,… je veux dire à ce pauvre garçon,… non, je me trompe, c'est une romance que je tâche de me rappeler.
LA REINE
Une romance ? Tu nous la diras tout à l'heure. Mes bonnes amies veulent des jeux-partis. Fais-leur quelques demandes pour les divertir. — Ser Vespasiano.
SER VESPASIANO
Majesté.
LA REINE
Savez-vous trouver de bonnes réponses ?
SER VESPASIANO(à part.)
Encore la même plaisanterie !(Haut.)
Il n'y a pas de ma faute, madame, en vérité, il n'y en a pas.
LA REINE
De quoi parlez-vous ?
SER VESPASIANO
De mon mariage. C'est bien malgré moi, je vous le jure, qu'il n'a pas été consommé.
LA REINE
Une autre fois, une autre fois.
SER VESPASIANO
Votre Majesté sera satisfaite.(À part.)
Un autre jour, a dit le roi ; une autre fois, a ajouté la reine, et quand j'ai salué, tous deux m'ont tutoyé ; en sorte que je suis au comble de la faveur.
LE ROI(lisant toujours.)
Voilà qui est bien. — Ne parliez-vous pas de jeux-partis ?
LA REINE
Oui, Sire, s'il vous plaît d'ordonner…
LE ROI
Vous savez que je n'y entends rien ; mais il n'importe. Allons, Minuccio, fais jaser un peu ces jeunes filles.
(Tout le monde s'assoit en cercle.)
MINUCCIO
Lequel vaut mieux, mesdemoiselles, ou posséder ou espérer ?
SER VESPASIANO
Il vaut beaucoup mieux posséder.
MINUCCIO
Pourquoi, magnifique seigneur ?
SER VESPASIANO
Mais parce que… Cela saute aux yeux
PREMIÈRE DEMOISELLE
Et si ce qu'on possède est une bourse vide, un nez très long, ou un coup d'épée ?
SER VESPASIANO
Alors, l'espérance serait préférable.
DEUXIÈME DEMOISELLE
Et si ce qu'on espère est la main d'une jeune fille, qui ne veut pas de vous et qui s'en moque ?
SER VESPASIANO
Ah ! diantre ! dans ce cas-là, je ne sais pas trop…
PREMIÈRE DEMOISELLE
Il faut posséder beaucoup de patience.
DEUXIÈME DEMOISELLE
Et espérer peu de plaisir.
MINUCCIO(à la troisième demoiselle.)
Et vous, ma mie, vous ne dites rien ?
TROISIÈME DEMOISELLE
C'est que votre question n'en est pas une, puisqu'on nous dit que l'espérance est le seul vrai bien qu'on puisse posséder.
LA REINE
Ser Vespasiano est vaincu. Une autre demande, Minuccio.
MINUCCIO
Lequel vaut mieux, ou l'amant qui meurt de douleur de ne plus voir sa maîtresse, ou l'amant qui meurt de plaisir de la revoir ?
LES DEMOISELLES(ensemble.)
Celui qui meurt ! celui qui meurt
SER VESPASIANO
Mais puisqu'ils meurent tous les deux…
LES DEMOISELLES
Celui qui meurt ! celui qui meurt !
SER VESPASIANO
Mais on vous dit,… on vous demande…
PREMIÈRE DEMOISELLE
Nous n'aimons que les amants qui meurent d'amour !
SER VESPASIANO
Mais observez qu'il y a deux manières…
DEUXIÈME DEMOISELLE
Il n'y a que ceux-là qui aiment véritablement.
SER VESPASIANO
Cependant…
TROISIÈME DEMOISELLE
Et nous n'en aurons jamais d'autres.
TOUTES LES DEMOISELLES(ensemble.)
Et nous n'en aurons jamais d'autres.
LE ROI
Lequel vaut mieux, ou de jeunes filles sages, réservées et silencieuses, ou de petites écervelées qui crient et qui m'empêchent de finir ma lecture ? Voyons, Minuccio, où est ta viole ?
MINUCCIO
Permettez, Sire, que je ne m'en serve pas. La musique de ma romance nouvelle n'est pas encore composée ; j'en sais seulement les paroles.
LE ROI
Eh bien ! soit. — Et vous, mesdemoiselles…
PREMIÈRE DEMOISELLE
Sire, nous ne dirons plus un mot.
SER VESPASIANO(à part.)
Quant à moi, j'ai assez de tensons et de chansons comme cela. Leurs Majestés m'ont ordonné de presser le jour de mes noces… Qui me résisterait à présent ? Je m'esquive donc et vole chez cette belle.
Un caprice, comédie en un acte écrite par Alfred de Musset en 1837, explore les subtilités des sentiments et les jeux d’amour dans un cadre bourgeois. L’histoire met en scène...
On ne saurait penser à tout, comédie en un acte écrite par Alfred de Musset en 1849, explore les petites absurdités de la vie conjugale et les quiproquos liés aux...
On ne badine pas avec l’amour, drame en trois actes écrit par Alfred de Musset en 1834, raconte une histoire d'amour tragique où les jeux de séduction et de fierté...
Louison, comédie en un acte écrite par Alfred de Musset en 1849, met en scène une situation légère et pleine de malice autour des thèmes de l’amour, de la jalousie...
Lorenzaccio, drame romantique écrit par Alfred de Musset en 1834, raconte l’histoire de Lorenzo de Médicis, surnommé Lorenzaccio, un jeune homme partagé entre ses idéaux de liberté et le cynisme...