Scène IV

(Chypre. Près de la plage.)

Arrivent Montano et deux gentilshommes.

MONTANO.
— Que pouvons-nous distinguer en mer du haut du cap ?

PREMIER GENTILHOMME.
— Rien du tout, tant les vagues sont élevées ! — Entre le ciel et la pleine mer, je ne puis — découvrir une voile.

MONTANO.
Il me semble que le vent a parlé bien haut à la terre ; — jamais plus rudes rafales n’ont ébranlé nos créneaux. — S’il a fait autant de vacarme sur mer, — quelles sont les côtes de chêne qui, sous ces montagnes en fusion, — auront pu garder la mortaise ? Qu’allons-nous apprendre à la suite de ceci ?

DEUXIÈME GENTILHOMME.
— La dispersion de la flotte turque. — Pour peu qu’on se tienne sur la plage écumante, — les flots irrités semblent lapider les nuages ; — la lame, secouant au vent sa haute et monstrueuse crinière, — semble lancer l’eau sur l’Ourse flamboyante — et inonder les satellites du pôle immuable. — Je n’ai jamais vu pareille agitation — sur la vague enragée.

MONTANO.
Si la flotte turque — n’était pas réfugiée dans quelque baie, elle a sombré. — Il lui est impossible d’y tenir.

Arrive un troisième gentilhomme.

TROISIÈME GENTILHOMME.
— Des nouvelles, mes enfants ! Nos guerres sont finies ! — Cette désespérée tempête a si bien étrillé les Turcs — que leurs projets sont éclopés. Un noble navire, venu de Venise, — a vu le sinistre naufrage et la détresse — de presque toute leur flotte.

MONTANO.
Quoi ! Vraiment ?

TROISIÈME GENTILHOMME.
Le navire est ici mouillé, — un bâtiment véronais. Michel Cassio, lieutenant du belliqueux More, Othello, — a débarqué ; le More lui-même est en mer — et vient à Chypre avec des pleins pouvoirs.

MONTANO.
— J’en suis content : c’est un digne gouverneur.

TROISIÈME GENTILHOMME.
— Mais ce même Cassio, tout en parlant avec satisfaction — du désastre des Turcs, paraît fort triste, — et prie pour le salut du More : car ils ont été séparés — au plus fort de cette sombre tempête.

MONTANO.
Fasse le ciel qu’il soit sauvé ! — J’ai servi sous lui, et l’homme commande — en parfait soldat… Eh bien, allons sur le rivage. — Nous verrons le vaisseau qui vient d’atterrir, — et nous chercherons des yeux le brave Othello — jusqu’au point où la mer et l’azur aérien — sont indistincts à nos regards.

TROISIÈME GENTILHOMME.
Oui, allons ! — Car chaque minute peut nous amener — un nouvel arrivage.

Arrive Cassio.

CASSIO, à Montano.
— Merci à vous, vaillant de cette île guerrière, — qui appréciez si bien le More ! Oh ! Puissent les cieux — le défendre contre les éléments, — car je l’ai perdu sur une dangereuse mer !

MONTANO.
Est-il sur un bon navire ?

CASSIO.
— Son bâtiment est fortement charpenté, et le pilote — a la réputation d’une expérience consommée. — Aussi mon espoir, loin d’être ivre-mort, — est-il raffermi par une saine confiance.

VOIX AU DEHORS.
Une Voile ! une voile ! une voile !

Arrive un autre gentilhomme.

CASSIO.
— Quel est ce bruit ?

QUATRIÈME GENTILHOMME.
— La Ville est déserte. Sur le front de la mer — se pressent un tas de gens qui crient : Une voile !

CASSIO.
— Mes pressentiments me désignent là le gouverneur.

On entend le canon.

DEUXIÈME GENTILHOMME.
— Ils tirent la salve de courtoisie ; — ce sont des amis, en tout cas.

CASSIO, au deuxième gentilhomme.
Je vous en prie, Monsieur, partez — et revenez nous dire au juste qui vient d’arriver.

DEUXIÈME GENTILHOMME.
— J’y vais.

Il sort.

MONTANO, à Cassio.
— Ah çà ! bon lieutenant, votre général est-il marié ?

CASSIO.
— Oui, et très-heureusement : il a conquis une fille — qui égale les descriptions de la renommée en délire ; — une fille qui échappe au trait des plumes pittoresques, — et qui, dans l’étoffe essentielle de sa nature, — porte toutes les perfections… Eh bien ! Qui vient d’atterrir ?

Le deuxième gentilhomme rentre.

DEUXIÈME GENTILHOMME.
— C’est un certain Iago, enseigne du général.

CASSIO.
— Il a eu la plus favorable et la plus heureuse traversée. — Les tempêtes elles-mêmes, les hautes lames, les vents hurleurs, — les rocs hérissés, les bancs de sable, — ces traîtres embusqués pour arrêter la quille inoffensive, — ont, comme s’ils avaient le sentiment de la beauté, oublié — leurs instincts destructeurs et laissé passer saine et sauve — la divine Desdémona.

MONTANO.
Quelle est cette femme ?

CASSIO.
— C’est celle dont je parlais, le capitaine de notre grand capitaine ! — Celle qui, confiée aux soins du hardi Iago, — vient, en mettant pied à terre, de devancer notre pensée — par une traversée de sept jours… Grand Jupiter ! Protège Othello, — et enfle sa voile de ton souffle puissant. — Puisse-t-il vite réjouir cette baie de son beau navire, — revenir tout palpitant d’amour dans les bras de Desdémona, — et, rallumant la flamme dans nos esprits éteints, — rassurer Chypre tout entière !… Oh ! regardez !

Entrent Desdémona, Émilia, Iago, Roderigo et leur suite.

— Le trésor du navire est arrivé au rivage ! — Vous, hommes de Chypre, à genoux devant elle ! — Salut à toi, notre dame ! Que la grâce du ciel — soit devant et derrière toi et à tes côtés, — et rayonne autour de toi !

DESDÉMONA.
Merci, vaillant Cassio. — Quelles nouvelles pouvez-vous me donner de monseigneur ?

CASSIO.
— Il n’est pas encore arrivé : tout ce que je sais, — c’est qu’il va bien et sera bientôt ici.

DESDÉMONA.
— Oh ! j’ai peur pourtant… Comment vous êtes-vous perdus de vue ?

CASSIO.
— Les efforts violents de la mer et du ciel — nous ont séparés… Mais écoutez ! une voile !

Cris, au loin.
Une voile ! une voile !

On entend le canon.

DEUXIÈME GENTILHOMME.
— Ils font leur salut à la citadelle : — c’est encore un navire ami.

CASSIO, au deuxième gentilhomme.
Allez aux nouvelles.

Le gentilhomme sort.

À Iago.
— Brave enseigne, vous êtes le bienvenu.

À Émilia.
La bienvenue, mistress ! — Que votre patience, bon Iago, ne se blesse pas — de la liberté de mes manières : c’est mon éducation — qui me donne cette familiarité de courtoisie.

Il embrasse Émilia.

IAGO.
— Monsieur, si elle était pour vous aussi généreuse de ses lèvres — qu’elle est pour moi prodigue de sa langue, — vous en auriez bien vite assez.

DESDÉMONA.
Hélas ! Elle ne parle pas !

IAGO.
Beaucoup trop, ma foi ! — Je m’en aperçois toujours quand j’ai envie de dormir. — Dame ! j’avoue que devant votre Grâce — elle renfonce un peu sa langue dans son cœur — et ne grogne qu’en pensée.

ÉMILIA.
Vous n’avez guère motif de parler ainsi.

IAGO.
— Allez, allez, vous autres femmes, vous êtes des peintures hors de chez vous, — des sonnettes dans vos boudoirs, des chats sauvages dans vos cuisines, — des saintes quand vous injuriez, des démons quand on vous offense, — des flâneuses dans vos ménages, des femmes de ménage dans vos lits.

DESDÉMONA.
— Oh ! fi ! calomniateur !

IAGO.
— Je suis Turc, si cela n’est pas vrai ; — vous vous levez pour flâner et vous vous mettez au lit pour travailler.

ÉMILIA.
— Je ne vous chargerai pas d’écrire mon éloge.

IAGO.
Certes, vous ferez bien.

DESDÉMONA.
— Qu’écrirais-tu de moi si tu avais à me louer ?

IAGO.
— Ah ! Noble dame, ne m’en chargez pas. — Je ne suis qu’un critique.

DESDÉMONA.
— Allons ! Essaye… On est allé au port, n’est-ce pas ?

IAGO.
— Oui, madame.

DESDÉMONA.
— Je suis loin d’être gaie mais je trompe — ce que je suis, en affectant d’être le contraire. — Voyons ! Que dirais-tu à mon éloge ?

IAGO.
— Je cherche ; mais, en vérité, mon idée — tient à ma caboche, comme la glu à la frisure ; — elle arrache la cervelle et le reste. Enfin, ma muse est en travail, — et voici ce dont elle accouche :

Si une femme a le teint et l’esprit clairs,
Elle montre son esprit en faisant montre de son teint.

DESDÉMONA.
Bien loué ! Et si elle est noire et spirituelle ?

IAGO.
Si elle est noire et qu’elle ait de l’esprit,
Elle trouvera certain blanc qui ira bien à sa noirceur.

DESDÉMONA.
De pire en pire !

ÉMILIA.
Et si la belle est bête ?

IAGO.
Celle qui est belle n’est jamais bête :
Car elle a toujours assez d’esprit pour avoir un héritier.

DESDÉMONA.
Ce sont de vieux paradoxes absurdes pour faire rire les sots dans un cabaret. Quel misérable éloge as-tu pour celle qui est laide et bête ?

IAGO.
Il n’est de laide si bête
Qui ne fasse d’aussi vilaines farces qu’une belle d’esprit.

DESDÉMONA.
Oh ! La lourde bévue ! La pire est celle que tu vantes le mieux ! Mais quel éloge accorderas-tu donc à une femme réellement méritante, à une femme qui, en attestation de sa vertu, peut à juste titre invoquer le témoignage de la malveillance elle-même ?

IAGO.
Celle qui, toujours jolie, ne fut jamais coquette,
Qui, ayant la parole libre, n’a jamais eu le verbe haut,
Qui, ayant toujours de l’or, ne s’est jamais montrée fastueuse,
Celle qui s’est détournée d’un désir en disant : « Je pourrais bien ! »
Qui, étant en colère et tenant sa vengeance,
A gardé son offense et chassé son déplaisir,
Celle qui ne fut jamais assez frêle en sagesse
Pour échanger une tête de morue contre une queue de saumon,
Celle qui a pu penser et n’a pas révélé son idée,
Qui s’est vu suivre par des galants et n’a pas tourné la tête,
Cette créature-là est bonne, s’il y eut jamais créature pareille.

DESDÉMONA.
À quoi ?

IAGO.
À faire téter des niais et à déguster de la petite bière.

DESDÉMONA.
Oh ! Quelle conclusion boiteuse et impotente !… Ne prends pas leçon de lui, Émilia, tout ton mari qu’il est… Que dites-vous, Cassio ? Voilà, n’est-ce pas ? un conseiller bien profane et bien licencieux.

CASSIO.
Il parle sans façon, madame : vous trouverez en lui le soldat de meilleur goût que l’érudit.

Cassio parle à voix basse à Desdémona et soutient avec elle une conversation animée.

IAGO, les observant.
Il la prend par le creux de la main… Oui, bien dit ! Chuchote, va ! Une toile d’araignée aussi mince me suffira pour attraper cette grosse mouche de Cassio. Oui, souris-lui, va : je te garrotterai dans ta propre courtoisie… Vous dites vrai, c’est bien ça. Si ces grimaces-là vous enlèvent votre grade, lieutenant, vous auriez mieux fait de ne pas baiser si souvent vos trois doigts, comme sans doute vous allez le faire encore pour jouer au beau sire !

Cassio envoie du bout des doigts un baiser à Desdémona.
Très-bien ! bien baisé ! excellente courtoisie ! C’est cela, ma foi. Oui, encore vos doigts à vos lèvres ! Puissent-ils être pour vous autant de canules de clystère !…

Fanfares.
Le More ! je reconnais sa trompette.

CASSIO.
C’est vrai.

DESDÉMONA.
Allons au-devant de lui pour le recevoir.

CASSIO.
Ah ! le voici qui vient !

Entrent Othello avec sa suite. La foule se presse derrière lui.

OTHELLO.
— Ô ma belle guerrière !

DESDÉMONA.
Mon cher Othello !

OTHELLO.
— C’est pour moi une surprise égale à mon ravissement — de vous voir ici avant moi. Ô joie de mon âme ! — Si après chaque tempête viennent de pareils calmes, — puissent les vents souffler jusqu’à réveiller la mort ! — Puisse ma barque s’évertuer à gravir sur les mers des sommets — hauts comme l’Olympe, et à replonger ensuite aussi loin — que l’enfer l’est du ciel ! Si le moment était venu de mourir, — ce serait maintenant le bonheur suprême ; car j’ai peur, — tant le contentement de mon âme est absolu, — qu’il n’y ait pas un ravissement pareil à celui-ci — dans l’avenir inconnu de ma destinée !

DESDÉMONA.
Fasse le ciel — au contraire que nos amours et nos joies augmentent avec — nos années !

OTHELLO.
Dites amen à cela, adorables puissances ! — Je ne puis pas expliquer ce ravissement. — Il m’étouffe… C’est trop de joie. — Tiens ! Tiens encore !

Il l’embrasse.
Que ce soient là les plus grands désaccords — que fassent nos cœurs !

IAGO, à part.
Oh ! vous êtes en harmonie à présent ! — Mais je broierai les clefs qui règlent ce concert, — foi d’honnête homme !

OTHELLO.
Allons ! au château !… — Vous savez la nouvelle, amis ; nos guerres sont terminées, les Turcs sont noyés.

Aux gens de Chypre.
— Comment vont nos vieilles connaissances de cette île ?

À Desdémona.
— Rayon de miel, on va bien vous désirer à Chypre ! — J’ai rencontré ici une grande sympathie. Ô ma charmante, — je bavarde sans ruse, et je raffole — de mon bonheur… Je t’en prie, bon Iago, — va dans la baie, et fais débarquer mes coffres ! — Ensuite amène le patron à la citadelle ; — c’est un brave, et son mérite — réclame maints égards… Allons, Desdémona !… — Encore une fois, quel bonheur de nous retrouver à Chypre !

Othello, Desdémona, Cassio, Émilia et leur suite sortent.

IAGO, à Roderigo.
Viens me rejoindre immédiatement au havre… Approche… Si tu es un vaillant, s’il est vrai, comme on le dit, que les hommes, une fois amoureux, ont dans le caractère une noblesse au-dessus de leur nature, écoute-moi. Le lieutenant est de service cette nuit dans la Cour des gardes… Mais d’abord il faut que je te dise ceci… Desdémona est éperdument amoureuse de lui.

RODERIGO.
De lui ? Bah ! ce n’est pas possible.

IAGO, mettant son index sur sa bouche.
Mets ton doigt comme ceci, et que ton âme s’instruise ! Remarque-moi avec quelle violence elle s’est d’abord éprise du More, simplement pour les fanfaronnades et les mensonges fantastiques qu’il lui disait. Continuera-t-elle de l’aimer pour son bavardage ? Que ton cœur discret n’en croie rien ! Il faut que ses yeux soient assouvis ; et quel plaisir trouvera-t-elle à regarder le diable ? Quand le sang est amorti par l’action de la jouissance, pour l’enflammer de nouveau et pour donner à la satiété un nouvel appétit, il faut une séduction dans les dehors, une sympathie d’années, de manières et de beauté, qui manquent au More. Eh bien, à défaut de ces agréments nécessaires, sa délicate tendresse se trouvera déçue ; le cœur lui lèvera, et elle prendra le More en dégoût, en horreur ; sa nature même la décidera et la forcera à faire un second choix. Maintenant, mon cher, ceci accordé (et ce sont des prémisses très-concluantes et très-raisonnables), qui est placé plus haut que Cassio sur les degrés de cette bonne fortune ? Un drôle si souple, qui a tout juste assez de conscience pour affecter les formes d’une civile et généreuse bienséance, afin de mieux satisfaire la passion libertine et lubrique qu’il cache ! Non, personne n’est mieux placé que lui, personne ! Un drôle intrigant et subtil, un trouveur d’occasions ! Un faussaire qui peut extérieurement contrefaire toutes les qualités, sans jamais présenter une qualité de bon aloi ! Un drôle diabolique !… Et puis, le drôle est beau, il est jeune, il a en lui tous les avantages que peut souhaiter la folie d’une verte imagination ! C’est une vraie peste que ce drôle ! Et la femme l’a déjà attrapé.

RODERIGO.
Je ne puis croire cela d’elle. Elle est pleine des plus angéliques inclinations.

IAGO.
Angélique queue de figue ! Le vin qu’elle boit est fait de grappes. Si elle était angélique à ce point, elle n’aurait jamais aimé le More. Angélique crème fouettée !… N’as-tu pas vu son manége avec la main de Cassio ? N’as-tu pas remarqué ?

RODERIGO.
Oui, certes : c’était de la pure courtoisie.

IAGO.
Pure paillardise, j’en jure par cette main ! C’est l’index, l’obscure préface à l’histoire de la luxure et des impures pensées. Leurs lèvres étaient si rapprochées que leurs haleines se baisaient. Pensées fort vilaines, Roderigo ! Quand de pareilles réciprocités ont frayé la route, arrive bien vite le maître exercice, la conclusion faite chair. Pish !… Mais laissez-vous diriger par moi, monsieur, par moi qui vous ai amené de Venise. Soyez de garde cette nuit. Pour la consigne, je vais vous la donner. Cassio ne vous connaît pas… Je ne serai pas loin de vous… Trouvez quelque prétexte pour irriter Cassio soit en parlant trop haut, soit en contrevenant à sa discipline, soit par tout autre moyen à votre convenance que l’occasion vous indiquera mieux encore.

RODERIGO.
Bon !

IAGO.
Il est vif, monsieur, et très-prompt à la colère ; et peut-être vous frappera-t-il de son bâton. Provoquez-le à le faire, car de cet incident je veux faire naître parmi les gens de Chypre une émeute qui ne pourra se calmer sérieusement que par la destitution de Cassio. Alors vous abrégerez la route à vos désirs par les moyens que je mettrai à leur disposition, dès qu’aura été très-utilement écarté l’obstacle qui s’oppose à tout espoir de succès.

RODERIGO.
Je ferai cela si vous pouvez m’en fournir l’occasion.

IAGO.
Compte sur moi. Viens tout à l’heure me rejoindre à la citadelle. Il faut que je débarque ses bagages. Au revoir.

RODERIGO.
Adieu.

Il sort.

IAGO, seul.
— Que Cassio l’aime, je le crois volontiers : — qu’elle l’aime, lui, c’est logique et très-vraisemblable. Le More, quoique je ne puisse pas le souffrir, est une fidèle, aimante et noble nature, et j’ose croire qu’il sera pour Desdémona le plus tendre mari. Et moi aussi, je l’aime ! non pas absolument par convoitise (quoique par aventure je puisse être coupable d’un si gros péché), mais plutôt par besoin de nourrir ma vengeance ; car je soupçonne fort le More lascif d’avoir sailli à ma place. Cette pensée, comme un poison minéral, me ronge intérieurement ; et mon âme ne peut pas être et ne sera pas satisfaite — avant que nous soyons manche à manche, femme pour femme, — ou tout au moins avant que j’aie inspiré au More — une jalousie si forte — que la raison ne puisse plus la guérir. Pour en venir là, — si ce pauvre limier vénitien, dont je tiens en laisse — l’impatience, reste bien en arrêt, — je mettrai notre Michel Cassio sur le flanc. — J’abuserai le More sur son compte de la façon la plus grossière, — (car je crains Cassio aussi pour mon bonnet de nuit) ; — et je me ferai remercier, aimer et récompenser par le More, — pour avoir fait de lui un âne insigne — et avoir altéré son repos et sa confiance — jusqu’à la folie.

Se frappant le front.
L’idée est là, mais confuse encore : — la fourberie ne se voit jamais de face qu’à l’œuvre.

Il sort.


Résumé Scène IV

Montano et deux gentilshommes discutent sur l'état de la mer et évoquent la flotte turque, craignant qu'elle ne soit perdue à cause d'une tempête violente. Un troisième gentilhomme arrive avec la nouvelle que la flotte turque a été dispersée et que le noble Othello, lieutenant du More, a débarqué à Chypre. Cassio, un ami d'Othello, exprime son inquiétude pour la sécurité de leur général, mais il est rassuré par la solidité du navire et la compétence du pilote. Alors qu'ils attendent le retour d'Othello, des cris se font entendre, annonçant une voile en approche. Cassio, impatient, envoie un autre gentilhomme se renseigner sur l'identité des nouveaux arrivants.

Pendant ce temps, Cassio parle de Desdémona, l'épouse d'Othello, en la décrivant comme une femme parfaite. Peu après, ils apprennent qu’Iago, l’enseigne d’Othello, vient d'arriver avec Desdémona et sa suite. Iago fait des remarques sarcastiques sur les femmes, provoquant des échanges animés avec Desdémona et Émilia. Alors qu'ils attendent Othello, ce dernier arrive et retrouve Desdémona, exprimant son bonheur de la voir. Les protagonistes entrent en célébration, tandis qu'Iago, de son côté, prépare un plan manipulateur contre Cassio en exploitant les sentiments de Desdémona pour créer des tensions romantiques.

Iago convainc Roderigo que Desdémona est amoureuse de Cassio et le pousse à provoquer une altercation avec ce dernier pour semer le chaos et faciliter la réalisation de ses plans de vengeance. Iago nourrit un ressentiment envers Othello, suspectant ce dernier d'avoir eu des relations avec sa femme, et il projette d'utiliser Cassio pour nuire à sa réputation et créer des conflits. Le récit se termine sur les manigances d'Iago, mettant en lumière la complexité des relations entre les personnages et annonçant les tensions à venir.

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