(ORONTE, DOROTEE, CLITON.)
Cliton
Quoi, Monsieur…
Oronte
Oui, je te le promets,
J'y renonce, et Lisette est à toi désormais.
Cliton
De bon cœur ?
Oronte
De bon cœur et sans réserve aucune.
Cliton
Grand merci, maintenant poussez votre fortune.
Oronte (, à Dorotée.)
Quelque cher que me soit l'honneur que je reçois,
Je veux mal aux bontés que vous avez pour moi,
Puisque attendu de vous, l'on peut mettre en balance
Si je viens par amour, ou bien par complaisance,
Et que votre ordre exprès peut faire présumer
Que c'est vous obéir, et non pas vous aimer.
Lisette (, paraissant avec Lucie qu'elle oblige incontinent de rentrer.)
Un Cavalier, madame, est encore avec elle ;
Demeurez.
Lucie
C'est Oronte ! Ah ! L'ingrat ! L'infidèle !
Dorotée
Me surprendre d'abord avec ce compliment,
C'est prévenir ma plainte assez adroitement.
Vous-même apprenez-moi ce qu'il faut que j'en croie.
Oronte
Vous le pouvez connoître à l'éclat de ma joie.
Dorotée
J'en soupçonne l'adresse.
Oronte
Avec peu de raison.
Dorotée
Souvent un beau dehors cache une trahison.
Oronte
Pour plus de sûreté n'en croyez que vous-même,
Consulter votre cœur, il sait si je vous aime.
Dorotée
Il m'en fait donc secret.
Oronte
Moins que vous ne pensez,
Si vous daignez l'entendre il vous en dit assez ;
Et d'ailleurs ce devoir dont mon amour s'acquitte…
Dorotée
Peut-être étant forcé n'est pas de grand mérite.
Oronte
L'hommage que je rends aux yeux qui m'ont blessé
Passeroit-il chez vous pour un devoir forcé ?
Cet hommage si pur, sans mélange, sans tache,
Et qui n'a rien en soi de honteux ni de lâche ?
Dorotée
Vous l'élevez bien haut.
Oronte
N'en ai-je pas sujet
Puisque de mon amour vos vertus sont l'objet,
Qu'en vous est le motif qui fait que je vous aime,
Et que c'est seulement à cause de vous-même ?
Dorotée
Je puis donc m'assurer qu'il durera toujours,
Ce rare et digne amour qui de moi prend son cours,
Car encor que du temps le pouvoir soit extrême,
Me peut-il faire enfin cesser d'être moi-même ?
Oronte
Aussi me feriez-vous un outrage mortel,
D'attendre moins de moi qu'un hommage éternel.
Dorotée
Vous en parlez, ce semble, avec tant de franchise,
Que j'ai quelque sujet de craindre une surprise.
Oronte
Quoi, vous vous défiez de ma sincérité ?
Dorotée
On hasarde à tout croire avec légèreté.
Oronte
Mais un espoir fondé sur de si grands mérites
Trahit qui le soutient en souffrant des limites,
Il doit se tout promettre, et sur ce ferme appui
Prétendre à tous les cœurs qu'il croit dignes de lui.
Dorotée
C'est ainsi qu'aussitôt que le vôtre soupire,
Il se tient assuré de tout ce qu'il désire ?
Oronte
C'est ainsi que sans crainte et sans émotion
Je vois briguer sous-main votre inclination ;
Je vous rends mes respects, Éraste vous proteste,
Vous avez de bons yeux, qu'ai-je à douter du reste.
Dorotée
Vos mérites vous sont un présage assuré
D'emporter la balance, et d'être préféré.
Oronte
D'une ou d'autre façon je sais me satisfaire.
Je me donne à l'objet dont le choix me préfère,
Et quand l'heure d'un tel choix ne tombe point sur moi
L'on montre une âme basse, et je reprends ma foi.
Dorotée
M'accuseriez-vous bien d'une telle bassesse,
Et ce reproche adroit est-ce à moi qu'il s'adresse ?
Oronte
Un peu trop de scrupule à votre amour est joint.
Des termes si communs ne vous regardent point
Mais j'entends du bruit.
Dorotée (, contrefaisant l'étonnée.)
Où ?
Oronte
Vous semblez inquiète,
Vous regardez…
Dorotée
De l'œil je cherche ici Lisette,
Il m'a semblé la voir.
Oronte
Vous l'avez vue aussi.
Dorotée
Qu'est-elle devenue ?
Oronte
Elle est entrée ici,
Je m'en vais l'appeler.
Dorotée (, feignant de l'arrêter avec empressement.)
Dieux ! Que voulez-vous faire ?
Oronte
Vous rendre de mon zèle une preuve légère.
Dorotée
Toujours d'un vif soupçon votre amour est taché,
Mais croyez-vous que chez moi si quelqu'un est caché,
Sans m'en avoir parlé, ma Suivante est capable…
Oronte
Madame, qui vous dit que vous soyez coupable ?
C'est parler cette fois vous-même contre vous.
Dorotée
J'ai lieu de craindre tout d'un naturel jaloux.
Vous m'accusâtes hier, et depuis ce reproche…
Oronte
Trouvez bon seulement que Lisette s'approche.
Dorotée (, l'arrêtant toujours.)
Sous ce prétexte feint vos soupçons imprudents
Veulent…
Oronte
Souffrez…
Cliton
Sans doute Éraste est là-dedans.
Tenez ferme, Monsieur, ayons-en l'âme nette,
Pour n'être plus leurrez d'un Mari de Lisette.
Dorotée
Suivez votre caprice, et ne montrez ici…
Oronte
Vous vous alarmez trop. Lisette.
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