ACTE QUATRIÈME - Scène IV
(SAINT-MÉGRIN puis JOYEUSE.)
SAINT-MÉGRIN
Cette étoile, c'est la mienne ! Ruggieri, arrête ! Il ne m'entend pas ; il entre chez la reine-mère. Cette étoile, c'est la mienne ; et ce nuage !… Vive Dieu ! je suis bien insensé de croire aux paroles de ce visionnaire… Ces signes ne l'ont jamais trompé, dit-il ! Dugast ! Dugast ! et toi aussi, tu volais comme moi à un rendez-vous d'amour, lorsque tu es tombé assassiné ; et ton sang, en sortant de tes vingt-deux blessures, bouillait encore d'espérance et de bonheur. Ah ! si je dois mourir aussi, mon Dieu ! mon Dieu ! que je ne meure du moins qu'au retour !
(Entre Joyeuse.)
JOYEUSE
Eh bien ! que fais-tu là ? Est-ce que tu lis dans les astres, toi ?
SAINT-MÉGRIN
Moi ! non.
JOYEUSE
Je t'avais pris en entrant pour un astrologue. Quoi ! encore ? mais, qu'as-tu donc ?
SAINT-MÉGRIN
Rien, rien ; je regarde le ciel.
JOYEUSE
est superbe ! les étoiles étincellent.
SAINT-MÉGRIN (avec mélancolie.)
Joyeuse, crois-tu qu'après notre mort notre âme doive habiter un de ces globes brillants sur lesquels notre vue s'est arrêtée tant de fois pendant notre vie ?
JOYEUSE
Ces pensées ne me sont jamais venues, sur mon âme ; elles sont trop tristes… Tu connais ma devise : hilariter, joyeusement… voilà pour ce monde… quant à l'autre, peu m'importe ce qu'il sera, pourvu que je m'y trouve bien.
SAINT-MÉGRIN (sans l'écouter.)
Crois-tu que là nous serons réunis aux personnes que nous avons aimées ici-bas ?… Dis ; … crois-tu que l'éternité puisse être le bonheur ?…
JOYEUSE
Vrai Dieu ! tu deviens fou, Saint-Mégrin ; quel diable de langage me parles-tu là ? Arrange-toi de manière à ce que demain, à pareille heure, M. de Guise puisse t'en donner des nouvelles sûres, et ne me demande pas cela à moi. J*ai déjà le cou tout disloqué d'avoir regardé en l'air.
SAINT-MÉGRIN
Tu as raison… oui… oui… je suis un insensé…
JOYEUSE
Voilà le roi… Voyons… Éloigne cet air soucieux. On dirait, sur mon âme, que ce duel t'inquiète. Est-ce que tu serais fâché ?…
SAINT-MÉGRIN
Moi, fâché !… Vrai Dieu ! s'il me tue, Joyeuse, ce ne sera pas ma vie que je regretterai, ce sera de lui laisser la sienne.