Emile, Anaïs, Fadinard
Fadinard (revenant.)
Quelle est cette créature ?… que signifie ?… (Soutenant Anaïs qui entre en chancelant.)
Allons ! bon !… elle se trouve mal !… (Il l'assied à droite.)
Emile (allant à elle.)
Anaïs !…
Fadinard
Madame, dépêchez-vous !… je suis pressé !
Nonancourt (off, au bas de l'escalier.)
Mon gendre ! mon gendre !
Fadinard
Voilà ! voilà !
Emile
Un verre d'eau sucrée, monsieur… un verre d'eau sucrée !
Fadinard (perdant la tête.)
Voilà ! Voilà !… Sacrebleu ! quelle chance !
(Il prend ce qu'il faut sur le guéridon et tourne le verre d'eau sucrée.)
Emile
Chère Anaïs !… (À Fadinard brusquement)
Allons donc… morbleu !
Fadinard (tournant l'eau sucrée.)
Ca fond, vertubleu ! (À Anaïs.)
Madame… je ne voudrais pas vous renvoyer… mais je crois que, si vous retourniez chez vous…
Emile
Eh ! monsieur, cela n'est plus possible, maintenant !
Fadinard (étonné)
Ah bah !… comment, plus possible ?
Anaïs (d'une voix altérée.)
Cette fille…
Fadinard
Eh bien, madame ?…
Anaïs
Cette fille est ma femme de chambre… elle a reconnu le chapeau… elle va raconter à mon mari…
Fadinard
Un mari ?… ah ! saprelotte ! il y a un mari !…
Emile
Un jaloux, un brutal.
Anaïs
Si je rentre sans ce maudit chapeau… lui qui voit tout en noir… il pourra croire des choses…
Fadinard (à part)
Jaunes !
Anaïs (avec désespoir.)
Je suis perdue… compromise !… ah ! j'en ferai une maladie…
Fadinard (vivement)
Pas ici, madame, pas ici !… l'appartement est très malsain.
Nonancourt (off, au bas de l'escalier.)
Mon gendre ! mon gendre !
Fadinard
Voilà ! Voilà !… (Il boit. Revenant à Emile.)
Qu'est-ce que nous décidons ?
Emile (à Anaïs)
Il faut absolument se procurer un chapeau tout semblable… et vous êtes sauvée !
Fadinard (enchanté.)
Eh ! mais, parbleu !… l'Africain a raison !… (Lui offrant le morceau de chapeau.)
Tenez, madame… voici l'échantillon… et en visitant les magasins…
Anaïs
Moi, monsieur ?… mais je suis mourante !
Emile
Vous ne voyez donc pas que Madame est mourante !… Eh bien… ce verre d'eau !…
Fadinard (lui offrant le verre.)
Voilà… (Le voyant vide.)
Ah ! tiens ! il est bu… (Offrant l'échantillon à Emile.)
Mais vous, monsieur… qui n'êtes pas mourante ?
Emile
Moi, monsieur, quitter Madame dans un pareil état ?…
Nonancourt (voix)
Mon gendre ! mon gendre !
Fadinard
Voilà !… (Allant poser le verre sur la table.)
Mais, sapristi ! monsieur… ce chapeau ne viendra pas tout seul sur la tête de Madame !…
Emile
Sans doute. Courez, monsieur, courez !
Fadinard
Moi ?…
Anaïs (se levant, très agitée.)
Au nom du ciel, monsieur, partez vite !
Fadinard (se récriant.)
Partez vite est joli !… mais je me marie, madame… j'ai l'honneur de vous faire part de cet affreux événement… Ma noce m'attend au pied de l'escalier…
Emile (brusquement)
Je me moque bien de votre noce !…
Fadinard
Lieutenant !
Anaïs
Surtout, monsieur, choisissez une paille exactement pareille… mon mari connaît le chapeau.
Fadinard
Mais, madame…
Emile
Avec des coquelicots…
Fadinard
Permettez…
Emile
Nous l'attendrons ici quinze jours, un mois… s'il le faut…
Fadinard
De façon qu'il me faut galoper après un chapeau… sous peine de placer ma noce en état de vagabondage ! ah ! vous êtes gentil !…
Emile (saisissant une chaise.)
Eh bien, monsieur, partez-vous ?
Fadinard (exaspéré, lui prenant la chaise.)
Oui, monsieur, je pars… laissez mes chaises… ne touchez à rien ! sapristi ! (À lui-même.)
Je cours chez la première modiste… Mais qu'est-ce que je vais faire de mes huit fiacres ?… Et le maire qui nous attend ! (Il s'assied machinalement sur la chaise qu'il tenait.)
Nonancourt (off)
Mon gendre ! mon gendre !
Fadinard (se levant et remontant.)
Je vais tout conter au beau-père !
Anaïs
Par exemple !
Emile
Pas un mot… ou vous êtes mort !
Fadinard
Très bien !… ah ! vous êtes gentils !…
Nonancourt (off, qui frappe à la porte.)
Mon gendre ! mon gendre !!!
Anaïs et Emile (courant à Fadinard)
N'ouvrez pas ! (Ils se jettent chacun à droite et à gauche de la porte qui s'ouvre de façon à ce qu'ils soient cachés par les battants.)
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...