Beauperthuis ; puis Fadinard
Beauperthuis (seul)
La tête me part !… J'aurais dû y mettre de la moutarde… (Avec une fureur concentrée.)
O Anaïs ! si je croyais !… Il n'est pas de vengeance… pas de supplice que… (On sonne. Radieux.)
Enfin !… la voici !… Entrez. (On sonne très bruyamment.)
J'ai les pieds à l'eau… Tu n'as qu'à tourner le bec… Entre, chère amie !…
Fadinard (entre ; il est égaré, éreinté, essoufflé.)
M. Beauperthuis, s'il vous plaît ?…
Beauperthuis
Un étranger ! Quel est ce monsieur ?… Je n'y suis pas…
Fadinard
Très bien ! c'est vous ! (À lui-même.)
Je n'en puis plus… On nous a tous rossés chez la baronne !… moi, ça m'est égal… mais Nonancourt est furieux. Il veut mettre un article dans les Débats contre le Veau-qui-tète. Étrange hallucination ! (Essoufflé.)
Ouf !
Beauperthuis
Sortez, monsieur… sortez !
Fadinard (prenant une chaise.)
Merci, monsieur… Vous demeurez haut… votre escalier est raide… (Il vient s'asseoir près de Beauperthuis.)
Beauperthuis (ramenant la serviette sur ses jambes.)
Monsieur, on n'entre pas ainsi chez les gens !… Je vous réitère…
Fadinard (soulevant un peu la serviette.)
Vous prenez un bain de pieds ? Ne vous dérangez pas… je n'ai que peu de chose à vous dire… (Il prend la bouilloire.)
Beauperthuis
Je ne reçois pas… je ne suis pas en état de vous écouter !… j'ai mal à la tête.
Fadinard (versant de l'eau chaude dans le bain.)
Chauffez votre bain…
Beauperthuis (criant)
Aïe ! (Lui arrachant la bouilloire qu'il repose à terre.)
Voulez-vous laisser ça ! Que demandez-vous, monsieur ? Qui êtes-vous ?
Fadinard
Léonidas Fadinard, vingt-cinq ans, rentier… marié d'aujourd'hui… Mes huit fiacres sont à votre porte.
Beauperthuis
Qu'est-ce que ça me fait, monsieur ? Je ne vous connais pas.
Fadinard
Ni moi non plus… et je ne désire pas faire votre connaissance… Je veux parler à madame votre épouse.
Beauperthuis
Ma femme !… vous la connaissez ?
Fadinard
Pas du tout ! mais je sais à n'en pas douter qu'elle possède un objet de toilette dont j'ai le plus pressant besoin Il me le faut !
Beauperthuis
Hein ?
Fadinard (se levant)
(Air : Ces bosquets de lauriers)
Il me le faut, monsieur… Remarquez bien
Ce que ces mots renferment d'énergie
Je t'obtiendrai, quel que soit le moyen,
Affreux produit de la belle Italie !
Veut-on le vendre ? Eh bien, je le paîrai
Le prix coûtant, plus une forte prime
Refusez-le ? soit ! je le volerai !
Il me le faut, monsieur… et je l'aurai…
Pour l'avoir, j'irai jusqu'au crime,
Je me vautrerai dans le crime
Beauperthuis (à part)
C'est un voleur au bonsoir. (Fadinard se rassied et verse de l'eau chaude. Criant.)
Aïe !… Encore un coup, monsieur, sortez !
Fadinard
Pas avant d'avoir vu Madame…
Beauperthuis
Elle n'y est pas.
Fadinard
À dix heures du soir ?… C'est invraisemblable…
Beauperthuis
Je vous dis qu'elle n'y est pas
Fadinard (avec colère)
Vous laissez courir votre femme à des heures pareilles ?… ça serait par trop jobard, monsieur ! (Il verse énormément d'eau bouillante.)
Beauperthuis
Aïe ! sacrebleu !… je suis ébouillanté ! (Il met avec fureur la bouilloire de l'autre côté.)
Fadinard (se levant et remportant sa chaise à droite.)
Je vois ce que c'est… Madame est couchée… mais ça m'est égal… mes intentions sont pures… je fermerai les yeux… et nous traiterons à l'aveuglette cette négociation…
Beauperthuis (se levant debout dans son bain, et brandissant la bouilloire : suffoquant de colère.)
Monsieur !!!
Fadinard
Où est sa chambre, s'il vous plaît ?
Beauperthuis
Je vous brûle la cervelle ! (Il lance la bouilloire ; Fadinard pare le coup en fermant le paravent sur Beauperthuis. Les souliers de Beauperthuis se trouvent en dehors du paravent.)
Fadinard
Je vous l'ai dit, monsieur… j'irai jusqu'au crime !… (Il entre dans la chambre à droite.)
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