ACTE III - Scène VIII


Fadinard ; puis Nonancourt ; puis un domestique

Fadinard (seul)
Dans cinq minutes, j'aurai décampé avec le chapeau… Je laisserai ma bourse en payement. (Riant.)
Ah ! ah !… je pense au père Nonancourt… doit-il rager dans son fiacre !

Nonancourt (paraît à la porte de la salle à manger ; il a une serviette à la boutonnière et des rubans de diverses couleurs au revers de son habit.)
Où diable est donc passé mon gendre ?…

Fadinard
Le beau-père !

Nonancourt (un peu gris.)
Mon gendre, tout est rompu !

Fadinard (se retournant.)
Hein ?… vous ! Qu'est-ce que vous faites là ?

Nonancourt
Nous dînons.

Fadinard
Où ça ?

Nonancourt
Là !

Fadinard (à part)
Sapristi ! le dîner de la baronne !

Nonancourt
Satané Veau-qui-tète !… quelle crâne maison !… J'y reviendrai quelquefois !

Fadinard
Permettez !…

Nonancourt
Mais, c'est égal, votre conduite est celle d'un pas-grand'chose !

Fadinard
Beau-père !…

Nonancourt
Abandonner votre femme le jour de la noce, la laisser dîner sans vous !…

Fadinard
Et les autres ?

Nonancourt
Ils dévorent !

Fadinard
Me voilà bien !… je sens une sueur froide… (Il arrache la serviette à Nonancourt et s'en essuie le front.)

Nonancourt
Je ne sais pas ce que j'ai… je crois que je suis un peu pochard…

Fadinard
Allons, bien !… Et les autres ?

Nonancourt
Ils sont comme moi… Bobin s'est jeté par terre en allant chercher la jarretière… Nous avons ri !… (Secouant son pied.)
Cristi !

Fadinard (à part, mettant la serviette dans sa poche.)
Que va dire la baronne ?… Et ce chapeau qui n'arrive pas !… Si je l'avais, je décamperais…

Cris (dans la salle à manger.)
Vive la mariée ! Vive la mariée !

Fadinard (remontant au fond.)
Voulez-vous vous taire ! Voulez-vous vous taire !

Nonancourt (assis sur la causeuse.)
Je ne sais pas ce que j'ai fait de mon myrte… Fadinard ?

Fadinard (revenant à Nonancourt)
Vous… rentrez… vite ! (Il veut le faire lever.)

Nonancourt (résistant.)
Non… je l'ai empoté le jour de sa naissance…

Fadinard
Oui… vous le retrouverez… il est dans le fiacre (Un domestique, venant de la droite, a traversé la scène avec un candélabre non allumé : il ouvre la porte du fond et pousse un cri en apercevant la noce à table.)

Le Domestique
Ah !

Fadinard
Tout est perdu ! (Il lâche Nonancourt, qui retombe assis sur la causeuse ; il saute à la gorge du domestique et lui arrache son candélabre.)
Silence !… tais-toi ! (Il le pousse dans un cabinet à droite et l'enferme.)
Si tu bouges, je te jette par la fenêtre. (La baronne paraît par la gauche.)


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