Horace, Désambois
Horace (arrêtant Désambois qui se dispose à entrer dans le bal.)
Pardon, mon cher monsieur Désambois…
(Le quadrille commence.)
Désambois
Monsieur ?
Horace
Voulez-vous me faire la grâce de m'accorder un moment d'entretien ?
Désambois
Demain, monsieur, je vous attendrai chez moi, à six heures du matin.
(Les portes du fond se ferment.)
(Le quadrille continue piano.)
Horace
Je craindrais de ne pas être exact… je ne me lève qu'à huit… D'ailleurs, je ne vous retiendrai pas plus d'une minute.
Désambois
Parlez, monsieur.
Horace
Il paraît, monsieur, que, comme tuteur, vous opposez quelques difficultés à mon mariage avec ma cousine.
Désambois
Je serai franc… c'est vrai, monsieur.
Horace
Y aurait-il de l'indiscrétion à vous demander pourquoi ?
Désambois
Aucune… En principe, je ne crois pas aux militaires comme maris !
Horace
Ah !… Et sur quoi basez-vous cette opinion… désobligeante, mon cher monsieur Désambois ?
Désambois
Les militaires aiment les chevaux, le bruit, le tabac, l'absinthe…
Horace
C'est-à-dire que vous nous considérez comme des sauvages, mon cher monsieur Désambois ?…
Désambois
Pas tout à fait.
Horace
Enfin, un peu…un peu !…
Désambois
Oui, un petit peu…
Horace
Je ne discuterai pas votre opinion… je me bornerai à vous faire remarquer que je ne suis plus militaire, puisque j'ai donné ma démission.
Désambois
C'est vrai… mais il est impossible que vous n'ayez pas conservé, bien malgré vous sans doute, certaines habitudes inhérentes à la vie des camps.
Horace
Alors, vous me regardez comme un homme mal élevé, mon cher monsieur Désambois ?
Désambois
Pas tout à fait…
Horace
Enfin, un peu… un peu !
Désambois
Un petit peu !
Horace (à part)
Je crois que j'y mets de la douceur.
Désambois
Voyons, franchement, entre nous, vous n'aimez pas, vous ne pouvez pas aimer votre cousine !
Horace
Et pourquoi ?
Désambois
Vous êtes arrivé de Chine avant-hier.
Horace
Du moment que je n'ai pas laissé mon cœur à Pékin.
Désambois
C'est égal… cet amour qui vous prend tout à coup… c'est bien extraordinaire ! et de méchantes gens pourraient croire…
Horace
Quoi ?
Désambois
Que ce n'est pas la demoiselle, mais l'établissement qui vous plaît.
Horace (ne comprenant pas)
L'établissement… quel établissement ?
Désambois
Mademoiselle Lucile a quatre cent cinquante mille francs de dot.
Horace
Ah !… Ma foi, tant mieux ! mais je ne le savais pas.
Désambois
Oh ! vous ne le saviez pas ?
Horace
Quand je vous le dis…
Désambois (incrédule)
Vous me le dites !
Horace (s'emportant.)
Ah! prenez garde !(Se calmant.)
Tenez, je vous conseille de ne pas entrer dans cette voie-là… Je suis très doux, très gentil avec vous… il ne faut pas en abuser, mon cher monsieur Désambois
Désambois
Mon Dieu, je ne dis pas ça pour vous, mais il y a des gens qui, sous une apparence franche et joviale, recherchent habilement les belles affaires.
Horace (à part, se contenant à peine.)
Sapristi ! ça va se gâter !
Désambois
Dans le monde, on appelle ça des croqueurs de dot !
Horace (lui sautant à la gorge.)
Vous allez ravaler ce mot-là, vous !
Désambois
Permettez…
Horace
Ravalez, ravalez !
Désambois (se dégageant.)
De la violence !… Jamais !
Horace
Croqueur de dot ! moi ! (Il lance un coup de pied à Désambois au moment où celui-ci allait sortir par le fond. La porte se referme derrière Désambois qui a disparu. Seul.)
Ah ! sapristi ! ça m'a échappé, ça fait deux ; il faudra que je me fasse attacher cette jambe-là pour aller dans le monde. Me voilà bien ! Le tuteur, un homme sérieux ! Il est rentré dans le bal… il va tout raconter ! Quel scandale !… Et mon mariage ? Courons, et tâchons de l'apaiser ! (Il va à la porte du fond et l'ouvre.)
Tiens, il danse !
(Il tombe sur une chaise en éclatant de rire. On aperçoit Désambois dans le second selon, faisant le cavalier seul.)
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