Dubois
Non, vous dis-je ; ne perdons point de temps. La lettre est-elle prête ?
Dorante (la lui montrant)
Oui, la voilà ; et j'ai mis dessus : rue du Figuier.
Dubois
Vous êtes bien assuré qu'Arlequin ne connaît pas ce quartier-là ?
Dorante
Il m'a dit que non.
Dubois
Lui avez-vous bien recommandé de s'adresser à Marton ou à moi pour savoir ce que c'est ?
Dorante
Sans doute, et je lui recommanderai encore.
Dubois
Allez donc la lui donner ; je me charge du reste auprès de Marton que je vais trouver.
Dorante
Je t'avoue que j'hésite un peu. N'allons-nous pas trop vite avec Araminte ? Dans l'agitation des mouvements où elle est, veux-tu encore lui donner l'embarras de voir subitement éclater l'aventure ?
Dubois
Oh ! oui ! point de quartier. Il faut l'achever pendant qu'elle est étourdie. Elle ne sait plus ce qu'elle fait. Ne voyez-vous pas bien qu'elle triche avec moi, qu'elle me fait accroire que vous ne lui avez rien dit ? Ah ! je lui apprendrai à vouloir me souffler mon emploi de confident pour vous aimer en fraude.
Dorante
Que j'ai souffert dans ce dernier entretien ! Puisque tu savais qu'elle voulait me faire déclarer, que ne m'en avertissais-tu par quelques signes ?
Dubois
Cela aurait été joli, ma foi ! Elle ne s'en serait point aperçue, n'est-ce pas ? Et d'ailleurs, votre douleur n'en a paru que plus vraie. Vous repentez-vous de l'effet qu'elle a produit ? Monsieur a souffert ! Parbleu ! il me semble que cette aventure-ci mérite un peu d'inquiétude.
Dorante
Sais-tu bien ce qui arrivera ? Qu'elle prendra son parti, et qu'elle me renverra tout d'un coup.
Dubois
Je l'en défie. Il est trop tard ; l'heure du courage est passée ; il faut qu'elle nous épouse.
Dorante
Prends-y garde ; tu vois que sa mère la fatigue.
Dubois
Je serais bien fâché qu'elle la laissât en repos.
Dorante
Elle est confuse de ce que Marton m'a surpris à ses genoux.
Dubois
Ah ! vraiment, des confusions ! Elle n'y est pas ; elle va en essuyer bien d'autres ! C'est moi qui, voyant le train que prenait la conversation, ai fait venir Marton une seconde fois.
Dorante
Araminte pourtant m'a dit que je lui étais insupportable.
Dubois
Elle a raison. Voulez-vous qu'elle soit de bonne humeur avec un homme qu'il faut qu'elle aime en dépit d'elle ? Cela est-il agréable ? Vous vous emparez de son bien, de son cœur ; et cette femme ne criera pas ! Allez vite, plus de raisonnements : laissez-vous conduire.
Dorante
Songe que je l'aime, et que, si notre précipitation réussit mal, tu me désespères.
Dubois
Ah ! oui, je sais bien que vous l'aimez ; c'est à cause de cela que je ne vous écoute pas. Êtes-vous en état de juger de rien ? Allons, allons, vous vous moquez ; laissez faire un homme de sang-froid. Partez, d'autant plus que voici Marton qui vient à propos, et que je vais tâcher d'amuser, en attendant que vous envoyiez Arlequin.
(Dorante sort.)
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