Le Legs
-
Scène XI

Marivaux

Scène XI


(HORTENSE, LA COMTESSE, LE MARQUIS.)

Hortense ( arrêtant le marquis prêt à s'en aller.)
Monsieur le marquis, je vous prie, ne vous en allez pas ; nous avons à nous parler, et madame peut être présente.

Le Marquis
Comme vous voudrez, madame.

Hortense
Vous savez ce dont il s'agit ?

Le Marquis
Non, je ne sais pas ce que c'est ; je ne m'en souviens plus.

Hortense
Vous me surprenez ! Je me flattais que vous seriez le premier à rompre le silence. Il est humiliant pour moi d'être obligée de vous prévenir. Avez-vous oublié qu'il y a un testament qui nous regarde ?

Le Marquis
Oh ! oui, je me souviens du testament.

Hortense
Et qui dispose de ma main en votre faveur ?

Le Marquis
Oui, madame, oui ; il faut que je vous épouse, cela est vrai.

Hortense
Eh bien, monsieur, à quoi vous déterminez-vous ? Il est temps de fixer mon état. Je ne vous cache point que vous avez un rival ; c'est le chevalier, qui est parent de madame, que je ne vous préfère pas, mais que je préfère à tout autre, et que j'estime assez pour en faire mon époux si vous ne devenez pas le mien ; c'est ce que je lui ai dit jusqu'ici ; et, comme il m'assure avoir des raisons pressantes de savoir aujourd'hui même à quoi s'en tenir, je n'ai pu lui refuser de vous parler. Monsieur, le congédierai-je, ou non ? Que voulez-vous que je lui dise ? Ma main est à vous, si vous la demandez.

Le Marquis
Vous me faites bien de la grâce ; je la prends, mademoiselle.

Hortense
Est-ce votre cœur qui me choisit, monsieur le marquis ?

Le Marquis
N'êtes-vous pas assez aimable pour cela ?

Hortense
Et vous m'aimez ?

Le Marquis
Qui est-ce qui vous dit le contraire ? Tout à l'heure j'en parlais à Madame.

La comtesse
Il est vrai, c'était de vous dont il m'entretenait ; il songeait à vous proposer ce mariage.

Hortense
Et il vous disait qu'il m'aimait ?

La comtesse
Il me semble que oui ; du moins me parlait-il de penchant.

Hortense
D'où vient donc, monsieur le marquis, me l'avez-vous laissé ignorer depuis six semaines ? Quand on aime, on en donne quelques marques, et dans le cas où nous sommes, vous aviez droit de vous déclarer.

Le Marquis
J'en conviens ; mais le temps se passe ; on est distrait ; on ne sait pas si les gens sont de votre avis.

Hortense
Vous êtes bien modeste. Voilà qui est donc arrêté, et je vais l'annoncer au chevalier qui entre.


Autres textes de Marivaux

L'Île des esclaves

L'Île des esclaves, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1725, se déroule sur une île utopique où les rapports sociaux sont inversés pour rétablir la justice. L'intrigue débute...

L'Île de la raison

L'Île de la raison, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1727, se déroule sur une île imaginaire gouvernée par la raison et la vérité, où les habitants vivent...

L'Heureux Stratagème

L'Heureux Stratagème, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1733, raconte les manœuvres subtiles de deux amants pour raviver leur amour mis à l'épreuve. La marquise et le chevalier,...

L'Héritier de village

L'Héritier de village, comédie en un acte écrite par Marivaux en 1725, raconte les mésaventures d’un jeune homme naïf, Eraste, nouvellement désigné comme héritier d’un riche villageois. L’histoire se déroule...

Les Serments indiscrets

Les Serments indiscrets, comédie en trois actes écrite par Marivaux en 1732, explore les contradictions de l’amour et de la parole donnée. L’intrigue tourne autour de Lucile et Damis, deux...



Les auteurs


Les catégories

Médiawix © 2025