Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !
Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire,
J’aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la foible lumière
Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois !
Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire,
À ses regards voilés je trouve plus d’attraits,
C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !
Ainsi prêt à quitter l’horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d’un regard d’envie
Je contemple ses biens dont je n’ai pas joui !
Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme, aux bords de mon tombeau ;
L’air est si parfumé ! la lumière est si pure !
Aux regards d’un mourant le soleil est si beau !
Je voudrois maintenant vider jusqu’à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel !
Au fond de cette coupe où je buvois la vie,
Peut-être restoit-il une goutte de miel ?
Peut-être l’avenir me gardoit-il encore
Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu ?
Peut-être dans la foule, une ame que j’ignore
Auroit compris mon ame et m’auroit répondu ?...
La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ;
À la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;
Moi, je meurs ; et mon ame, au moment qu’elle expire.
S exhale comme un son triste et mélodieux.
Graziella est un récit poétique et autobiographique d'Alphonse de Lamartine, écrit en 1852. L'œuvre évoque l'amour passionné de l'auteur pour une jeune femme italienne nommée Graziella, qu'il a rencontrée lors...