Les Caprices de Marianne
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ACTE SECOND - Scène VI

Alfred de Musset

ACTE SECOND - Scène VI


OCTAVE, PUIS CLAUDIO, TIBIA.

OCTAVE (seul.)
Je me sais ce que j'ai dans la gorge ; je suis triste comme un lendemain de fête. Je ferais aussi bien de dîner ici. Est-ce que j'ai envie de dormir ? Je me sens tout pétrifié.(Claudio et Tibia entrent par le jardin.)
Ah !…Cousin Claudio, vous êtes un beau juge ; où allez-vous si couramment ?

CLAUDIO
Qu'entendez-vous par là, seigneur Octave ?

OCTAVE
J'entends que vous êtes un magistrat qui a de belles formes.

CLAUDIO
De langage, ou de complexion ?

OCTAVE
De langage, de langage. Votre perruque est pleine d'éloquence, et vos jambes sont deux charmantes parenthèses.

CLAUDIO
Soit dit en passant, seigneur Octave, le marteau de ma porte m'a tout l'air de vous avoir brûlé les doigts.

OCTAVE
En quelle façon, juge plein de science ?

CLAUDIO
En y voulant frapper, cousin plein de finesse.

OCTAVE
Ajoute hardiment plein de respect, Claudio, pour le marteau de ta porte ; mais tu peux le faire peindre à neuf, sans que je craigne de m'y salir les doigts.

CLAUDIO
En quelle façon, cousin plein de facéties ?

OCTAVE
En n'y frappant jamais, juge plein de causticité.

CLAUDIO
Cela vous est pourtant arrivé, puisque ma femme a enjoint à ses gens de vous fermer la porte au nez à la première occasion.

OCTAVE
Tes lunettes sont myopes, juge plein de grâce ; tu te trompes d'adresse dans ton compliment.

CLAUDIO
Mes lunettes sont excellentes, cousin plein de riposte : n'as-tu pas fait à ma femme une déclaration amoureuse ?

OCTAVE
À quelle occasion, subtil magistrat ?

CLAUDIO
À l'occasion de ton ami Célio, messager complaisant ; malheureusement j'ai tout entendu.

OCTAVE
Par quelle oreille, sénateur incorruptible ?

CLAUDIO
Par celle de ma femme, qui m'a tout raconté, godelureau chéri.

OCTAVE
Tout absolument, époux idolâtré ! Rien n'est resté dans cette charmante oreille ?

CLAUDIO
Il y est resté sa réponse, charmant pilier de cabaret, que je suis chargé de te faire.

OCTAVE
Je ne suis pas chargé de l'entendre, cher procès-verbal.

CLAUDIO
Ce sera donc ma porte en personne qui te la fera, aimable croupier de roulette, si tu t'avises de la consulter.

OCTAVE
C'est ce dont je ne me soucie guère, chère sentence de mort ; je vivrai heureux sans cela.

CLAUDIO
Puisses-tu le faire en repos, cher cornet de passe-dix ; je te souhaite mille prospérités.
(Il sort par le fond à droite suivi de Tibia.)

OCTAVE
Rassure-toi sur ce sujet, cher verrou de prison ! je dors tranquille comme une audience.


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