OCTAVE, MARIANNE, VENANT DU JARDIN.
OCTAVE
Belle Marianne, vous dormirez tranquille. Le cœur de Célio est à une autre, et ce n'est plus sous vos fenêtres qu'il donnera ses sérénades.
MARIANNE
Quel dommage et quel grand malheur de n'avoir pu partager un amour comme celui-là ! Voyez comme le hasard me contrarie ! Moi qui allais l'aimer.
OCTAVE
En vérité !
MARIANNE
Oui, sur mon âme, ce soir ou demain matin, dimanche au plus tard, je vous le jure. Qui pourrait ne pas réussir avec un ambassadeur tel que vous ? Il faut croire que sa passion pour moi était quelque chose comme du chinois ou de l'arabe, puisqu'il lui fallait un interprète, et qu'elle ne pouvait s'expliquer toute seule.
OCTAVE
Raillez, raillez ! nous ne vous craignons plus.
MARIANNE
Ou peut-être que cet amour n'était encore qu'un pauvre enfant à la mamelle, et vous, comme une sage nourrice, en le menant à la lisière, vous l'aurez laissé tomber la tête la première en le promenant par la ville.
OCTAVE
La sage nourrice s'est contentée de lui faire boire d'un certain lait que la vôtre vous a versé sans doute, et généreusement ; vous en avez encore sur les lèvres une goutte qui se mêle à toutes vos paroles.
MARIANNE
Comment s'appelle ce lait merveilleux ?
OCTAVE
L'indifférence. Vous ne pouvez aimer ni haïr, et vous êtes comme les roses du Bengale, Marianne, sans épines et sans parfum.
MARIANNE
Bien dit. Aviez-vous préparé d'avance cette comparaison ? Si vous ne brûlez pas le brouillon de vos harangues, donnez-le-moi, de grâce, que je les apprenne à ma perruche.
OCTAVE
Qu'y trouvez-vous qui puisse vous blesser ? Une fleur sans parfum n'en est pas moins belle ; bien au contraire, ce sont les plus belles que Dieu a faites ainsi ; et il me semble que sur ce point-là vous n'avez pas le droit de vous plaindre.
MARIANNE
Mon cher cousin, est-ce que vous ne plaignez pas le sort des femmes ? Voyez un peu ce qui m'arrive : il est décrété par le sort que Célio m'aime, ou qu'il croit m'aimer, lequel Célio le dit à ses amis, lesquels amis décrètent à leur tour que, sous peine de mort, je l'aimerai. La jeunesse napolitaine daigne m'envoyer en votre personne un digne représentant, chargé de me faire savoir que j'aie à aimer ledit seigneur Célio d'ici à une huitaine de jours. Pesez cela, je vous en prie. N'est-ce pas une femme bien abjecte que celle qui obéit à point nommé, à l'heure convenue, à une pareille proposition ? Ne va-t-on pas la déchirer à belles dents, la montrer au doigt, et faire de son nom le refrain d'une chanson à boire ? Si elle refuse, au contraire, est-il un monstre qui lui soit comparable ? Est-il une statue plus froide qu'elle ? et l'homme qui lui parle, qui ose l'arrêter en place publique son livre de messe à la main, n'a-t-il pas le droit de lui dire : vous êtes une rose du Bengale sans épines et sans parfum ?
OCTAVE
Cousine, cousine, ne vous fâchez pas.
MARIANNE
N'est-ce pas une chose bien ridicule que l'honnêteté et la foi jurée ? Que l'éducation d'une fille, la fierté d'un cœur qui s'est figuré qu'il vaut quelque chose, et qui pour mériter le respect des autres, commence par se respecter lui-même ?Tout cela n'est-il pas un rêve, une bulle de savon qui, au premier soupir d'un cavalier à la mode, doit s'évaporer dans les airs ?
OCTAVE
Vous vous méprenez sur mon compte et sur celui de Célio.
MARIANNE
Qu'est-ce après tout qu'une femme ? L'occupation d'un moment, une ombre vaine qu'on fait semblant d'aimer pour le plaisir de dire qu'on aime. Une femme ! c'est une distraction ! Ne pourrait-on pas dire, quand on en rencontre une : Voilà une belle fantaisie qui passe ? Et ne seraitce pas un grand écolier en de telles matières, que celui qui baisserait les yeux devant elle, qui se dirait tout bas : "Voilà peut-être le bonheur d'une vie entière," et qui la laisserait passer ?
(Elle sort par la gauche.)
Un caprice, comédie en un acte écrite par Alfred de Musset en 1837, explore les subtilités des sentiments et les jeux d’amour dans un cadre bourgeois. L’histoire met en scène...
On ne saurait penser à tout, comédie en un acte écrite par Alfred de Musset en 1849, explore les petites absurdités de la vie conjugale et les quiproquos liés aux...
On ne badine pas avec l’amour, drame en trois actes écrit par Alfred de Musset en 1834, raconte une histoire d'amour tragique où les jeux de séduction et de fierté...
Louison, comédie en un acte écrite par Alfred de Musset en 1849, met en scène une situation légère et pleine de malice autour des thèmes de l’amour, de la jalousie...
Lorenzaccio, drame romantique écrit par Alfred de Musset en 1834, raconte l’histoire de Lorenzo de Médicis, surnommé Lorenzaccio, un jeune homme partagé entre ses idéaux de liberté et le cynisme...