(MONTAUDOIN FERNANDE.)
MONTAUDOIN
(à part, regardant Fernande.)
La voilà, celle que je me plaisais à nommer ma fille.
FERNANDE
(à part.)
Comme il a l'air fâché !
MONTAUDOIN
(à part.)
En l'examinant bien, je trouve qu'elle ne ressemble pas à Pénuri d'une manière tellement
frappante !… (Haut.)
Fernande ?
FERNANDE
Papa ?…
MONTAUDOIN
(à part.)
Papa ? (Haut.)
Appelle-moi bon ami… Veux-tu ?
FERNANDE
Pourquoi ?
MONTAUDOIN
Parce que… j'ai mes petites raisons.
(Il tire son mouchoir et s'essuie les yeux.)
FERNANDE
Tu pleures ?
MONTAUDOIN
Ce n'est rien… c'est le rhume… J'ai un peu de rhume… Fernande ! réponds-moi franchement…
M'aimes-tu ?
FERNANDE
Oh ! de toutes mes forces !… N'es-tu pas mon père ?
MONTAUDOIN
(allant s'asseoir à droite.)
Dame !… je ne demande pas mieux, moi. (L'embrassant avec effusion.)
Pauvre enfant ! (Se calmant.)
Néanmoins, appelle-moi bon ami.
FERNANDE
Oh ! je ne pourrais jamais ! L'habitude !…
MONTAUDOIN
Oui… la routine… (À part.)
Elle m'aime !… par routine ! (Haut, la faisant asseoir sur ses genoux.)
Voyons, parle-moi franchement… Quand je suis près de toi… quand je te serre les mains… quand je t'embrasse, qu'est-ce que tu éprouves ?
FERNANDE
Je ne sais pas… Je me sens aimée… protégée… quand tes bras m'entourent, il me semble que je
suis dans une forteresse dont personne n'ose approcher…
MONTAUDOIN
(à part, se levant et la repoussant.)
Une forteresse !… Ce n'est pas là la voix du sang. (Haut.)
Et lui, l'aimes-tu ?
FERNANDE
Qui ça ?
MONTAUDOIN
Aglaure… Pénuri !
FERNANDE
(vivement.)
Oh ! oui, il est si bon pour moi !
MONTAUDOIN
(soupçonneux.)
Ah !
FERNANDE
Ce matin encore… ces vers qu'il m'a faits… ce magnifique présent… Et M. Isidore dit qu'il ne
s'en tiendra pas là !…
MONTAUDOIN
(à part.)
Il ne s'en tiendra pas là ! c'est clair !…
FERNANDE
Et puis il t'aime tant !… Il aime bien maman aussi…
MONTAUDOIN
C'est bon !
FERNANDE
Mais je ne suis point ingrate, et involontairement, je me sens attirée vers lui !
MONTAUDOIN
(à part.)
Voilà… voilà la voix du sang ! (Haut.)
Il n'y a plus à hésiter… Tu ignores les mystères de la vie
parisienne !… Tu ne sais pas qu'il y a des tigres… qui viennent déposer leurs œufs dans le ménage
des colombes !
FERNANDE
Mais, papa, les tiges n'ont pas d'œufs !
MONTAUDOIN
Ces reptiles ne devraient pas en avoir, mais ils en ont !… (À part.)
Comme elle lui ressemble !(Haut.)
Tu comprends maintenant que la position est complètement changée… Ces quatre-vingt
mille francs… je les avais économisés… sou par sou… car il faut que tu saches cela… Je me
privais de tout… Je me privais de prendre un fiacre… Je prenais un parapluie… Je me disais : "Ce
sera pour elle !…" Quand j'allais au café… j'emportais mes morceaux de sucre… toujours pour
elle !… Enfin, je n'aime pas le bœuf… ta mère nous le servait tous les jours… Et tu me voyais
m'écrier d'un front radieux : "Ah ! le bon bouilli !… ah ! le bon bouilli ! " (S'attendrissant.)
C'était pour elle !… Voilà !… voilà, mon enfant, pourquoi je ne peux pas te donner de dot.
FERNANDE
Mais je ne vois pas quel rapport ?…
MONTAUDOIN
Ah ! je ne t'en veux pas, à toi… ce n'est pas ta faute… Tu es le crime, mais tu n'es pas le
criminel !
FERNANDE
Moi ?
MONTAUDOIN
(remontant un peu à droite.)
Quant à lui !… Après la noce ! après la noce ! Je vais préparer la chambre jaune. (Revenant et l'embrassant.)
Fernande, pense à celui qui fut quelque temps ton père.
FERNANDE
Mais, papa !…
MONTAUDOIN
(la repoussant.)
Non, bon ami !… bon ami !… Je vais préparer la chambre jaune.
(Il sort par le fond.)
(Un jardin. A droite, la maison d'habitation. A gauche, un petit bâtiment servant d'orangerie. Un jeu de tonneau au fond. Chaises, bancs et tables de jardin.PIGET, POMADOUR, COURTINAu lever du...
(Un salon de campagne, ouvrant au fond sur un jardin. Un buffet. Un râtelier avec un fusil de chasse, une poire à poudre et un sac à plomb. Portes latérales....
Un salon de campagne, porte au fond, portes latérales dans les pans coupés de droite et de gauche. — Une fenêtre à droite. Sur le devant, à droite, un guéridon....
(BLANCMINET; PUIS ANTOINE; PUIS BOURGILLON; PUIS LOISEAU Le théâtre représente un jardin. Grille d'entrée au fond ; à droite, l'étude ; à gauche, un pavillon servant à serrer des instruments...
(Le théâtre représente un salon chez Lépinois. À droite, guéridon. À gauche, cheminée et canapé.)Laure Madame Lépinois Thérèse(Au lever au rideau, madame Lépinois et Laure s'essuient les yeux. Madame Lépinois...