Scène XI


(LES MÊMES, LEMARTOIS, ISIDORE, JOSÉPHINE, FERNANDE, INVITÉS ; PUIS MONTAUDOIN.)

MADAME MONTAUDOIN
Ah ! voici nos invités !
(Chœur)
(Air : Coqsigrue)
Pour nous, quelle fête !
Que chacun s'apprête
À chanter l'amour !
Pour nous, quelle fête !
Que chacun répète :
Vive ce beau jour !
(Pendant l'ensemble, Joséphine a placé la table au milieu du théâtre, sur laquelle se trouvent plumes, papiers, encrier.)

ISIDORE
(bas à Lemartois, sortant de la droite.)
C'est bien entendu… biffez le préciput !

LEMARTOIS
C'est fait !… (À part.)
Il est serré, le prétendu !

LES INVITÉS
(voyant entrer Fernande.)
Voilà la mariée !

FERNANDE
(saluant.)
Mesdames… Messieurs…

PÉNURI
(embrassant Fernande.)
Que je t'embrasse, chère petite ! que je t'embrasse !

ISIDORE
(à part.)
Quel est ce monsieur ?

PÉNURI
(à Isidore.)
Ah ! j'aime bien votre femme, allez !… vous le verrez tout à l'heure… (À part.)
Il faut préparer la
chose !

ISIDORE
(le saluant.)
Monsieur, je suis bien heureux ! (À part.)
Il a une poche énorme, c'est un oncle à cadeaux.

MADAME MONTAUDOIN
Mais où est donc Montaudoin ?

MONTAUDOIN
(entrant et prenant le milieu.)
Me voilà !… Mesdames… monsieur le notaire, je vous demande mille pardons.
(Pendant la première partie de la scène, le notaire s'est assis à la table préparée par Joséphine.)

MADAME MONTAUDOIN
(bas à son mari.)
Malheureux ! tu as gardé tes chaussons !

MONTAUDOIN
(regardant ses pieds.)
Ah ! saperlotte !… après ça, en famille !… (Haut.)
Mesdames… messieurs… veuillez prendre
place… ne faisons pas attendre M. le notaire… Un notaire ne doit jamais attendre…
(Tout le monde s'assoit sur les côtés et le notaire au milieu devant la table.)

MONTAUDOIN
(à Lemartois.)
Voici la plume… l'encrier… lisez votre petite affaire.
(Il va s'asseoir.)

LEMARTOIS
(lisant.)
"Par-devant maître Lemartois et son collègue, notaires à Paris, ont comparu…"

PÉNURI
(à part.)
J'ai envie de commencer par les vers… pour graduer.

LEMARTOIS
(lisant.)
M. Isidore-Athanase Dupuis…

PÉNURI
(se levant et allant au notaire.)
Pardon… une minute ! Je demande la permission de lire quelques vers… que j'ai rédigés… moi-
même pour la mariée.

LES INVITÉS
Oui ! oui !

MONTAUDOIN
(se levant.)
Comment ! Pénuri… tu as songé… ?

ISIDORE
(à part.)
Des vers !… si c'est là… son cadeau !

LEMARTOIS
Mais il faudrait peut-être d'abord lire le contrat.

MONTAUDOIN
Ah ! ça ne serait pas poli !… puisque mon ami a pris la peine de rédiger des vers…

LES INVITÉS
Les vers ! les vers !

PÉNURI
(dépliant un papier.)
Messieurs, je ne suis point un poète de profession… quand un vers me vient, je l'écris… en
attendant l'autre… et pour ne pas le perdre.

MONTAUDOIN
C'est de l'ordre !

PÉNURI
Je commence… Ah ! il faut dire que ces vers devraient être placés dans un bouquet.

UNE DAME
(lui passant son bouquet.)
En voilà un !

PÉNURI
Je vous remercie… je vous le rendrai… après… Je commence…
(Lisant)
Ce bouquet fut cueilli par l'Amour et sa mère
Il doit en ce beau jour vous être présenté…

M. ET MADAME MONTAUDOIN
(se levant.)
Hein !

PÉNURI
(continuant)
Car les fleurs qui naissent au jardin de Cythère
Sont faites pour orner le sein de la beauté !

LES INVITÉS
Bravo ! bravo !

MONTAUDOIN
(à part, se levant.)
Mais je les reconnais ! ce sont ceux que j'a trouvés dans le bouquet de ma femme ! et il
l'embrassait tout à l'heure.

MADAME MONTAUDOIN
(à Pénuri.)
Comment ! c'était vous, imprudent ?

PÉNURI
Quoi ? moi ?

LEMARTOIS
(reprenant la lecture du contrat.)
"Pardevant maître Lemartois et son collègue…"

MONTAUDOIN
(l'interrompant et allant à lui.)
Non !… tout à l'heure !… il faut que je cause avec Monsieur.

TOUS
Comment ?

MONTAUDOIN
Entrez-là, je vous prie ! C'est l'affaire d'une seconde !…
(Chœur)(Air d'Ambroise Thomas ) (Vingt francs, s'il vous plaît)
Ah ! c'est bien étonnant !
Ah ! c'est bien surprenant !
Qui nous dira comment
Finira l'incident ?
(Tout le monde entre à gauche, les mariés, madame Montaudoin, les invités et le notaire, qui ferme la marche. Montaudoin et Pénuri restent en scène.)


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