(DOM JUAN, SGANARELLE, ELVIRE)
Sganarelle
Nous en voilà défaits.
Dom Juan
Et fort civilement.
A-t-il lieu de s'en plaindre ?
Sganarelle
Il auroit tort, comment ?
Dom Juan
N'ai-je pas…
Sganarelle
Ceux qui font les fautes, qu'ils les boivent.
Est-ce aux Gens comme vous à payer ce qu'ils doivent ?
Dom Juan
Qu'on sache si bien tôt le dîner sera prêt.
(À Elvire qu'il voit entrer.)
Quoi, vous encor, Madame ? En deux mots, s'il vous plaît.
J'ai hâte.
Elvire
Dans l'ennui dont mon âme est atteinte,
Vous craignez ma douleur, mais perdez cette crainte.
Je ne viens point ici pleine de ce courroux,
Que je n'ai que trop fait éclater devant vous.
Par un premier hymen une autre vous possède,
On m'a tout éclairci, c'est un mal sans remède,
Et je me ferois tort de vouloir disputer,
Ce que contre les lois je ne puis emporter.
J'ai sans doute à rougir malgré mon innocence,
D'avoir cru mon amour avec tant d'imprudence,
Qu'en vous donnant la main j'ai reçu votre foi,
Sans voir si vous étiez en pouvoir d'être à moi.
Ce dessein avoit beau me sembler téméraire,
Je cherchois le secret par la crainte d'un Frère,
Et le tendre penchant qui me fit tout oser,
Sur vos serments trompeurs servit à m'abuser.
Le crime est pour vous seul, puisque enfin éclaircie,
Je songe à satisfaire à ma gloire noircie,
Et que ne vous pouvant conserver pour Époux,
J'éteins la folle ardeur qui m'attachoit à vous.
Non qu'un juste remords l'étouffe dans mon âme,
Jusques à n'y laisser aucun reste de flamme ;
Mais ce reste n'est plus qu'un amour épuré.
C'est un feu dont pour vous mon cœur est éclairé,
Un feu purgé de tout, une sainte tendresse,
Qu'au commerce des sens nul désir n'intéresse,
Qui n'agit que pour vous.
Sganarelle
Ah !
Dom Juan
Tu pleures, je crois,
Ton cœur est attendri.
Sganarelle
Monsieur, pardonnez-moi.
Elvire
C'est ce parfoit amour qui m'engage à vous dire
Ce qu'aujourd'hui le Ciel pour votre bien inspire,
Le Ciel dont la bonté cherche à vous secourir,
Prêt à choir dans l'abîme où je vous vois courir.
Oui, Dom Juan, je sais par quel amas de crimes
Vos peines qu'il résout lui semblent légitimes,
Et je viens de sa part vous dire que pour vous
Sa clémence a fait place à son juste courroux ;
Que las de vous attendre, il tient la foudre prête,
Qui depuis si longtemps menace votre tête ;
Qu'il est encor en vous, par un prompt repentir
De trouver les moyens de vous en garantir,
Et que pour éviter un malheur si funeste,
Ce jour, ce jour peut-être est le seul qui vous reste.
Sganarelle
Monsieur !
Elvire
Pour moi, qui lors de mon aveuglement,
Je n'ai plus pour la terre aucun attachement.
Ma retraite est conclue, et c'est là que sans cesse
Mes larmes tâcheront d'effacer ma foiblesse,
Heureuse si je puis par son austérité
Obtenir le pardon de ma crédulité.
Mais dans cette retraite, où l'on meurt à soi-même,
J'aurois, je vous l'avoue, une douleur extrême,
Qu'un homme à qui j'ai cru pouvoir innocemment
De mes plus tendres vœux donner l'empressement,
Devînt par un revers aux méchants redoutable,
Des vengeances du Ciel l'exemple épouvantable.
Sganarelle
Monsieur, encor un coup…
Elvire
De grâce, accordez-moi
Ce que dois mériter l'état où je me vois.
Votre salut fait seul mes plus fortes alarmes.
Ne le refusez point à mes voeux, à mes larmes,
Et si votre intérêt ne vous sauroit toucher,
Au crime en ma faveur daignez vous arracher,
Et m'épargner l'ennui d'avoir pour vous à craindre
Le courroux que jamais le Ciel ne laisse éteindre.
Sganarelle
La pauvre femme ?
Elvire
Enfin si le faux nom d'époux
M'a fait tout oublier pour vous vivre toute à vous,
Si je vous ai fait voir la plus forte tendresse
Qui jamais d'un cœur noble ait été la Maîtresse,
Tout le prix que j'en veux, c'est de vous voir songer
Au bonheur que pour vous je tâche à ménager.
Sganarelle
Coeur de Tigre !
Elvire
Voyez que tout est périssable.
Examinez la peine infaillible au coupable,
Et de votre salut faites-vous une loi,
Ou pour l'amour de vous, ou pour l'amour de moi.
C'est à ce but qu'il faut que tous vos désirs tendent,
Et ce que de nouveau mes larmes vous demandent.
Si ces larmes sont peu, j'ose vous en presser
Par tout ce qui jamais vous put intéresser.
Après cette prière, adieu, je me retire.
Songez à vous, c'est tout ce que j'avois à dire.
Dom Juan
J'ai fort prêté l'oreille à ce pieux discours,
Madame, avecque moi demeurez quelques jours.
Peut-être en me parlant vous me toucherez l'âme.
Elvire
Demeurer avec vous n'étant point votre Femme !
Je vous ai découvert de grandes vérités.
Dom Juan, craignez tout, si vous n'en profitez.
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